Vous voilà invités à parcourir l’itinéraire d’une promenade imaginaire retraçant au fil du temps la vie de notre Herboristerie sous la plume libre de son fondateur Christophe Perret-Gentil. 

 

72. L'ÂNE, LA RUINE ET LES DEUX AMIS  

Il est venu, malgré les risques, une route pas sûre

À cause de la fonte des neiges, des éboulements.

Hors de question cependant, de renier sa parole.

Il en avait vu d’autres. La guerre, les privations.

«Ce n’est pas aux vieux singes que l’on apprend

À faire la grimace!» aimait-il à répéter à ceux

Qui s’inquiétaient de sa témérité.

Les voilà donc tous les deux, assis sur le mur

Dans ce petit espace qui se présente à eux.

Ils regardent autour d’eux ; les herbes sèches

Les ronces, les fourrés denses, impénétrables.

Ils scrutent chaque détail de la crête, la falaise,

La forêt pour le bois, la pente, les éboulis.

Personne ne pensait que l’on pouvait vivre ici.

Mais il y avait la ruine. Et surtout, la source.

Deux mille litres par jour, même en plein été.

Ceux de la ville étaient venus mesurer le débit.

C’est grâce à ce filet d’eau qu’ils ont eu le permis.

Ils n’y croient pas encore. La prudence les retient.

Ils n’ont pas voulu faire la fête avant d’être assurés

Que l’endroit allait vraiment vouloir d’eux.

Ils pensent que oui, bien sûr, ils ont confiance.

Emile a pris l’âne. «Pour qu’il apprenne le chemin!»

Les mots étaient sortis, comme sur la défensive.

En réalité, la présence de cet animal le rassurait.

Son souffle derrière lui dans cette aube toute neuve,

Le martèlement des pas autres que les siens.

Ce n’était pas une affaire de solitude à chasser.

Mais plutôt le vertige d’entrer dans ce paysage

Dont ils allaient devenir les vivants témoins

À la suite de tous ceux qui avaient été là avant eux.

Alors, il tenait le licou, un peu gêné tout de même

De son manque de cran, face à son ami venu de si loin

Qui devait se dire, dans le silence de ses pensées

Que ce n’était pas le moment de flancher.

Ils ont hoché de la tête, se demandant qui des deux

Allait bouger et se mettre à parler en premier.

Ce fut Adrien. Il enleva son chapeau, joignit les mains

Comme pour prier et prononça ces simples mots:

«Chaque chose est là pour ce qu’elle vaut.

Il n’y a rien d’autre à comprendre pour l’instant»

15 février 2020                 A Philippe

 

              

71. C’ÉTAIT COMMENT AVANT?  

« T’as passé un bel été ? » me lance une voix joyeuse.

Me voilà bien emprunté pour trouver une réponse adéquate

Ne sachant pas trop si cette question se réfère en réalité

Aux vacances que j’aurais passées en touriste loin de chez moi.

 

 

Mettons que je sois en train de déguster une grappe de raisin

Je raffole du raisin. Donc, ce serait tout à fait possible

Que je sois en train de savourer du raisin quand cette question

Arrive. Ou des Châtaignes. J’adore aussi les Châtaignes.

Alors oui ! Je dirai : «j’ai passé un bel été, c’est pour cela

Que j’apprécie tant ces raisins (ou ces châtaignes, ou les deux

À la fois) : ils viennent de là où je visitais mes producteurs !»

Imaginons un instant : nous n’avons eu que quelques jours

Ou quelques semaines tout au plus pour faire connaissance

Tant soit peu avec ce lieu qui nous a hébergés.

Nous laissant avec ces souvenirs que le temps menace d’effacer.

Et voilà que, comme par enchantement, grâce à ces saveurs

Les beaux moments nous reviennent, et non seulement eux

Mais aussi, dans leur sillage toutes ces impressions ébauchées

Dans notre esprit, entre rêves, espoirs, suggestions…

Quand j’aurai croqué mon ultime grain ou pelé ma dernière

Châtaigne, je m’assiérai confortablement en écoutant les sons

Qui éclosent, le balancement de la voix, le flux des paroles

Dans leur vitesse de croisière… Et je fermerai les yeux.

Alors défileraient devant moi les paysages aimés de mes séjours

Les horizons lointains, la dimension de l’infini, la mémoire des âges.

Et en les rouvrant, la brise caresse toujours  encore les épillets,

Le Grillon stridule à l’orée de son terrier, l’Alouette frémit dans l’azur

Et au-delà de la barre rocheuse glisse, furtive, la silhouette de l’Aigle.

Et la falaise elle-même que je scrute dans ses moindres aspérités

Porte en elle le témoignage de cette ombre qui a passé devant elle

Sans rien nous dire d’avant, ni d’après, mais qui attendait simplement

Ce point culminant pour venir jusqu’à moi…

23 janvier 2020    

            

70. LA PENSÉE DU LIEU 

Aujourd’hui, j’ai ce souhait de vous immerger

Dans la ‘pensée du lieu’ telle qu’elle s’offre à vous

Lorsque vous touchez au but au terme du voyage.

Vous voilà arrivé, sans rien connaître de la région

Qui vous reçoit : « Prenez place, je vous prie ! ».

On vous laisse le temps de reprendre vos esprits.

Vous regardez autour de vous  et constatez

Avec surprise à quel point tout concorde

Avec les sentiments qui se partagent leur place

En venant affirmer leur présence en vous.

Vos sens en éveil, tout vous devient familier :

La vibration de l’air occupe la musique du silence

Où votre corps, devenu son, vient se dissoudre.

La vue s’ouvre avec l’apaisement du cœur.

Sous la treille, les jeux d’ombre et de lumière

Animés par le doux balancement des branches

Ont apporté la touche finale à votre contentement.

Un papillon dont vous suiviez le vol chancelant

N’a pas mis longtemps à vous assimiler au décor.

Un pas discret, le glissement d’une étoffe

Un plateau est posé devant vous d’où s’exhalent

Des volutes d’un breuvage fumant.

Et l’exquis ravissement du bonheur se pose

Vers cette tarte tatin dont l’arôme caramélisé

Se rafraîchit onctueusement au contact d’une crème

Qui, en fondant se glisse dans les petits creux…

Oubliez-vous, évadez-vous des mots, des lignes

Et des pages ; laissez-vous guider par le déferlement

Des images. Vous êtes bien au bon endroit.

Là où, sourire intérieur posé sur les lèvres

S’effeuille une proposition assez délicieuse

Pour n’avoir point à être justifiée…

Je me retire sur la pointe des pieds.

 

20 janvier 2020                 Aux  Moullières

69. A TIRE D'AILES 

L’agitation qui animait la rue s’est éteinte peu à peu

Offrant d’un seul coup au ciel la primauté du décor.

Il y a eu le passage de ces oiseaux, proches ou lointains

Qui ont traversé à tire d’ailes l’espace du contre-jour.

Puis les éclairages ont changé. Imperceptiblement d’abord

Puis modifiant la lumière et les reflets des objets entre eux.

Ce n’est pas un jeu d’ombres, mais le renforcement progressif

D’une intensité, qui finira fatalement dans l’obscurité.

Mais avant cela, quel défi ! Quelles astuces déployées pour

Prolonger la clarté avec toutes les ressources disponibles !

La féerie s’achève ; les éclairages publics ont pris le relais.

Les vitrines, les enseignes et bien sûr, les fenêtres des logis.

On en avait presque oublié que la ville était habitée…

Mais le jour n’a pas encore dit son dernier mot.

La route, les façades des monuments, les toits ont gardé

Quelque chose de la fournaise qui a régné toutes ces heures

Et la restituent maintenant à travers la pierre et la tuile.

Si bien que notre errance s’attarde dans cet échange

Qui semble ne jamais vouloir prendre fin.

A ce moment, un détail précis vient s’approcher de vous

Ne s’adresser rien qu’à vous ; vous effleurer d’abord

Vous accompagner et se mêler au cours de vos pensées.

Vous aurez bien quelque geste machinal, de ceux

Qu’a inventé la société pour avoir l’air d’être occupé.

Mais là, vous verrez vite que cela ne sert à rien.

Laissez-vous faire ; abandonnez-vous simplement

À l’instant présent, en serrant bien fort dans votre main

La clef dorée qui vous ouvrira les portes des mondes.

Ne craignez pas de vous perdre, même si votre voyage

Vous transporte au-delà des frontières du réel.

Continuez simplement de respirer la fleur.

19 janvier 2020                 (à suivre)  

68. UNE CANTATE DE BACH 

Comme souvent, j’ai relu le ‘Petit Prince’.

Chaque fois, j’y fais de nouvelles découvertes.

À la dernière page de mon édition, il y a l’image

Des deux traits qui se rejoignent sous une étoile.

« Regardez attentivement ce paysage afin d’être sûrs

De le reconnaître, si vous voyagez un jour en Afrique

Dans le désert. Et s’il vous arrive de passer par là,

Je vous en supplie, ne vous pressez pas,

Attendez un peu juste sous l’étoile ! *»

Au fil des ans, lors de mes vagabondages tous azimuts

Combien de fois me suis-je retrouvé à ce croisement…

Ému par cette présence au cœur de tous les paysages

Comme ici, dans cette vaste étendue du haut plateau.

J’ai vibré aux sons de l’orgue de cette cantate de Bach

Lorsque mes parents m’amenaient aux concerts d’été

De la cathédrale, avec au-dessus des toits de la Cité

La poursuite effrénée et stridente des Martinets.

Puis, une fois à l’intérieur, les raclements de gorge

Chuchotements, crissements des chaises sur la pierre.

Et d’un seul coup, une lumière qui s’allume sous la voûte

Les sons empilés les uns sur les autres dévalaient vers nous

Rebondissant, s’entrechoquant, colossaux et magnifiques.

Amplifié par les registres de l’extase, j’étais aux anges !

J’ai imaginé que la mort était ce porche éblouissant

Qui nous aspire vers un lieu où le néant se confondrait

Avec l’immensité, à l’instant même où la matière se muerait

En esprit.

« Si alors un enfant vient à vous, s’il rit, s’il a des cheveux d’or

S’il ne répond pas quand on l’interroge, vous devinerez bien

Qui il est. Alors soyez gentils ! Ne me laissez pas tellement triste :

Écrivez-moi vite qu’il est revenu… *»

* Le Petit Prince  -  Antoine de St- Exupéry

 

18 janvier 2020                 N’oublie jamais comme c’est beau 

67. AU TEMPLE DU TEMPS  

Un jour de ciel blanc, opalescent ; rien à en attendre

Ni dans un sens, ni dans l’autre ; les vagues sombres

Des résineux ferment l’horizon de tous les côtés.

Pourquoi dès lors, n’irais-je pas explorer cette forêt ?

En réalité j’étais avide de printemps, de lumière

De formes nouvelles et d’odeurs revigorantes.

Un univers de troncs parfaitement rectilignes,

Imposantes colonnes dressant vers le plafond laiteux

Leurs cimes richement ramifiées.

Pourtant, il fait à peine plus sombre ici qu’en dehors.

Sur le sol, uniformément disposé, un tapis de mousse

Vert tendre, et si souple sous le pas que je me sens

Invité à m’y reposer.

Je me souviens avoir contemplé l’ample balancement

Des fûts et le cisèlement du contre-jour des couronnes

Lorsque je m’assoupis.

En reprenant mes esprits, quelle ne fut pas ma surprise

De constater qu’une heure entière s’était écoulée !

Toute fatigue était partie comme par enchantement

Me laissant le sentiment d’une intense régénérescence.

Le silence était absolu.

Je devais avoir fait un voyage au temple du temps.

J’essayai de capter des images qui laisseraient apparaître

Les détails d’une vision, mais seules des formes illisibles

Aussitôt évanouies défilaient devant moi.

Mon regard fut attiré par un caillou blanc, poli, tout rond

Si bien mis en évidence sur son substrat que je le rattachai

Sans ambages à une facétie du Petit Poucet (!)

Tout en me rendant compte que je venais de donner vie

À ma propre appréhension d’égarement !

Sur le moment, je n’y prêtai pas autrement garde.

Puis la curiosité me titilla : par quel miraculeux prodige

La symbolique d’un conte si familier venait-elle se mêler

À mon envie de retrouvailles avec ce que j’avais perdu?

À l’instant même, une clarté fulgurante se propagea

Dans l’espace, métamorphosant le paysage en désert

À perte de vue !

17 janvier 2020                                (à suivre)

 

66. COMMENT PEUT-ON S’IMAGINER… ?

Je suis venu ici pour vous faire partager mon ivresse

Des choses et des êtres. A travers ce qu’ils témoignent,

L’amour qu’ils portent en eux, tout le soin qui s’exprime

Par leurs gestes, leurs expressions et leurs paroles

En répondant à ce que leur propose la voix du monde.

Ils sont les échos des discours émis par les montagnes

La rivière, la forêt, le vent, le crépuscule…

Ils prennent appui dans l’espace-temps, s’accordent

Aux puissances cosmiques, délivrent les forces terrestres

De leur rigidité, en leur annonçant le rêve du printemps

Dans les multiples formes des cristaux de neige.

Avec cette missive :

«Invitation de mener à bien l’entreprise commencée

Avant de s’aventurer hors du cercle ! »

Une volonté d’achèvement qui porte les révélations

Des activités en cours. Une voix au chapitre donnée

A des modèles de vie sur lesquels pourrons se baser

Nos propres existences, s’harmoniser les propositions

De notre environnement, se tracer des chemins inconnus,

Venir s’exaucer nos vœux…

«Comment peux-tu être si sûr qu’ils seront exaucés ?»

Je cherche une démonstration qui puisse paraître crédible :

«C’est comme la page blanche du cahier, ou le voyageur

Qui débarque dans un lieu qu’il n’a encore jamais visité

Ou l’employé à sa première journée de travail…

Maintenant je n’explique plus, je dis seulement :

« Ça se passe ! »

L’effet de surprise provoqué par cette déclaration

Laisse dans son sillage la teneur d’un espoir tenace

Sans plus aucune place pour le doute.

16 janvier 2020                                à Jean Ferrat 

 

65. COMME UN AIR DE FAMILLE

C’est un endroit que je peux visiter à toute heure du jour

À mesure que je m’avance vers lui, mon pas s’allège

Et de nouvelles perspectives s’ouvrent à moi.

Je choisis une place où me poser et me voilà

Avec ma petite collection de billets tirés de ma poche

Ils sont carrés, 9x9 cm et de toutes les couleurs.

« Pourquoi pas un cahier ? m’a-t-on souvent objecté ? »

J’ai bien essayé, puis reviens à mes petites notes griffonnées

En estimant sans doute qu’elles ne méritent pas une reliure.

Celui que je tiens dans la main aujourd’hui est bleu ciel :

« Modèle exemplaire d’une communauté humaine

En parfait accord avec les ressources de son environnement »

Je souris en pensant à la thématique du dérèglement climatique…

Et continue à déchiffre mon écriture :

« …Cet instant prodigieux où nous avons été appelés à manifester

La vie, dans cette solidarité envers les lois fondamentales

D’une Nature conçue dans ses processus cycliques de régénération. 

Une réactualisation permanente de l’instant même où se déroulent

Les forces de restauration».

Ma clairière est entourée de Bourdaines et de Noisetiers

Une matrice végétale à laquelle se rattache ma prime enfance…

De hauts Epicéas  noirs l’étouffent et la protègent à la fois.

Au milieu d’elle, où porte le regard, un profond secret reste à l’œuvre,

Celui de la constitution indélébile d’un être humain…

J’ai trouvé une pierre pour casser les quelques noisettes emportées

Les fragments qui s’éparpillent alentour font à mes pieds

Le même effet que les éclats de porcelaine d’une tirelire…

 

 15 janvier 2020                                l’échappée belle

 

 

64. PAR LA FOUDRE DE THOR

C’est un nom qui s’aborde dans un léger murmure

Presque surpris qu’il puisse s’adresser à un arbre

Tans sa discrétion évoque un simple effleurement.

Un miroir d’eau venant se troubler par la grâce du vent

Ce serait la brise du Nord, ou l’haleine chaude des dunes

Qui laisserait apparaître de sous les feuilles le vif argent !

On y verrait la douce empreinte d’une nostalgie lunaire

Une évanescence dissipée, suspendue dans ce souffle…

C’est bien un Alisier qui vient à notre rencontre.

Il nous accueille avec de fines poussières d’or

Qui nous rappellent l’œuvre d’une lumière sacrée

Illuminant la voûte du temple de Thor, dieu du tonnerre.

Parce que le sacrifice d’un Sorbier frappé par la foudre

Aurait permis à l’homme de disposer du feu sur terre

La légende lui attribue de hautes vertus protectrices.

L’arbre se montrerait tellement inspirant qu’on dédie

Ses talents de créateur à l’origine même de la culture.

Après sa lutte avec le dragon, passé la Saint Michel

La feuille de l’Alisier se dessèche et tombe d’épuisement.

Le tronc lisse et lumineux leur garde un vibrant hommage

Dans la promesse du prochain printemps.

Les pentes bien réchauffées ont sa nette préférence

Rarement seul, il pose dans la lisière son regard conciliant.

L’air limpide qui le traverse est perméable à la transparence.

En sa compagnie naissent les belles choses aussi discrètes

Et furtives que le gracieux soupir d’une Nymphe

Aussi grand et noble que peut le devenir un acte de foi.

 

14 janvier 2020                 parole d’Alisier blanc

    

63. MÉMOIRE DE LA TERRE

À présent vous vous trouvez au cœur de la terre.

Les voiles tombent comme mirages sur des illusions.

Vous vous enfoncez dans la dimension du sans limite

Dans le territoire d’une quête, sans ne rien connaître

De la voie qui se présente à vous.

Traduire l’originalité de la pensée

Et la profondeur de l’intuition ne suffisent plus.

Viser à engendrer l’ensemble du paysage

Dans une compréhension qui nous revienne

Ne conduit plus qu’à errer dans des repères incertains

En s’aventurant sur un terrain qui cède sous le pas.

Vous voilà complètement dépaysé dans ce lieu

De tous les commencements, qui ne perd rien,

N’oublie rien, restitue un savoir accumulé, enrichi

Pendant des millénaires, si lointain qu’il a disparu

De nos mémoires dans une forme de dramaturgie…

Tout ici est réduit à l’échelle du gnome ou du géant !

Le sol, souple, l’eau brunie qui marque nos empreintes

L’enchevêtrement des roches habillées de lichens

Les touradons de laîches qui semblent attendre

En vain depuis le fond des ères un improbable sort.

Sphaigne, Drosera, Airelle, Bruyère, Canneberge

Andromède, Linaigrette, Angélique…

Les mots de la Tourbière sont peuplés de mystère

Parés des espiègles  facéties du monde des lutins…

L’avancée du crépuscule transpose l’enchantement

Hors des franges hantées de la raison.

L’imaginaire inscrit l’invisible présence du mythe

Dans la légende du Seigneur des Anneaux !

 

13 janvier 2020                 dans un coin perdu en Islande 

    

62. ... TOUT FLAMME

Ce n’est pas une mince affaire que de gérer

Son homéothermie, sa chaleur intérieure

Au moment où tout se recroqueville dans l’hibernation !

En faisant ruisseler le sucre dans ses fruits juteux

En engageant le dialogue avec l’or, le cuivre, le fer

La polarité du rouge au vert entre sang et chlorophylle

La Nature au lieu de s’effacer à l’automne dans le déclin

Et la morosité nous imagine en courage et amour !

Le Fer a doté les êtres de nouveaux moyens d’échanges

Et de communication avec leur milieu :

Les animaux recevaient la respiration pulmonaire

Et les végétaux l’assimilation chlorophyllienne.

Dans notre sang, le Fer fait office de médiateur.

Il stimule en permanence nos forces vitales

En préservant notre organisme de la désagrégation

Tout en nous maintenant fermement en nous-mêmes.

Chaque automne rejoue la voie de notre Incarnation.

Il murmure à travers ses nappes de brumes :

« Ô Toi, avant de revoir la Lumière, accepte de plonger

Dans tes ténèbres ! Porte ce qui jaillissait au printemps

Vers la métamorphose des forces de la mort !

Rappelle-toi, qu’au firmament repose Asclépios,

L’image de la guérison et de l’intégration.

Et que tout près veille Antarès, la brillance de Mars ! »

Que les cercles en mouvement les uns autour des autres

S’ouvrent pour donner passage à ta destinée !

Affranchis – toi ! Explore ces lieux lointains de ta pensée

Aide là à formuler la substance du monde pour rejoindre

Ce qui est promu à naître et à croître en toi !

Collabore à cette mise en œuvre qui atteint sa profondeur

Aux confins de l’hiver pour venir s’épanouir à Pâques !

 

12 janvier 2020 

    

61. TOUT FEU...

Souvent, dans les contes et légendes apparaît

La figure d’un Dragon terrorisant toute une contrée

Jusqu’au moment où un vaillant chevalier vienne

Lui livrer combat et le terrasser.

Les trésors enfouis dans les grottes ou cavernes

Défendus par des gardiens monstrueux et féroces

Représentaient les images de nos désirs et passions

Nous empêchant d’accéder au plus profond de nous.

L’épée ou la lance dont se sert le héros pour triompher

De l’adversité figure le fer forgé par l’homme

Grâce à sa maîtrise du feu.

Le Dragon crache les eaux primordiales,

Son sang est noir et jaune, couleurs originelles

Du ciel et de la terre qu’il unit.

 « Les dragons de notre vie sont peut-être des princesses

 Qui attendent de nous voir beaux et courageux.

Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être

Que des choses sans secours qui attendent

Que nous les secourions. » *

« Qui nescit martem nescit artem » : celui qui ignore Mars

(l’action du fer) ignore l’art (de guérir).

Doté d’outils en fer, l’homme devenait réellement capable

De prendre possession de la Terre : charrue pour le labour

Pic pour attaquer la roche et lui retirer ses richesses.

Mais le fer permit aussi de fabriquer la chaîne

Servant à réduire l’homme à l’esclavage de la matière.

« Mettre le doigt dans l’engrenage » signifie clairement

Que la mécanisation, en nous libérant des contraintes

Nous a aussi imposé ses lois, au risque de nous aliéner.

Puissiez-vous, avec votre cœur et votre vulnérabilité

Entrer de plein droit dans l’affrontement victorieux !

L’épée qui battra votre flanc au rythme de votre pas

Saura éperonner en silence votre noble  détermination !

* R.M.Rilke, Lettres à un jeune poète

 

11 janvier 2020                                  (à suivre)

    

60. LA PART DES CHOSES 

Mesurant  minutieusement chacun de mes gestes

Espérant en secret que le nœud allait me résister

Je défis la ficelle de chanvre, la roula autour du doigt

Et la posai à côté du carton contenant la fameux flacon.

Une notice hâtivement griffonnée tomba de l’emballage :

« Nous l’avons cueilli sur une rocaille proche de la mer.

Ce plateau très sauvage a tout pour nous plaire

Il y a deux anciennes bergeries dont il ne reste que ruines

Et l’air est toujours brassé.

C’est la rosée marine qui arrive sur nous

Et nos yeux de temps en temps se plongent au loin

Dans la vue de la mer ou d’un bateau qui passe. »

Prestigieux, vif, éclatant, lumineux ! Par salves les mots

Viennent se bousculer dans le creux de mes narines

À chaque bouffée que laisse échapper la fragrance :

Altier, vénérable, héroïque… ça n’arrêtait pas !

Avec l’appel du large, le regard pointé sur l’horizon.

C’est bien le message d’une terre brûlée, aride et désolée

De roches blafardes, polies et fracturées, couvertes d’une

Végétation acérée et rabougrie, là, aux confins des Corbières.

Des émergences des forteresses faisant corps avec la pierre…

Voilà ma cordelette devenue boute d’amarrage

Enlaçant une borne de bronze lisse et brillante.

Un port d’attache attend ma venue.

Il y a bien une voile effilée qui paraît s’éloigner

À la découverte du monde, si lointaine

Qu’un simple clignement peut l’effacer.

Un sillage d’écume m’éblouit.

Le cordage, le voilage blanc, l’océan.

Je me suis assis sur la digue avec l’espoir fou

Que le bateau qui t’a emporté revienne un jour.

10 janvier 2020                 à Marcel Dietsch  

    

59. VIBRATO 

La Nuit. Encore elle, qui n’attend rien de nous.

Elle n’a pas de préférence. Elle est calme

Se repose de toutes ces agitations du jour

Souvent vaines, la plupart du temps.

Se tient à l’écart de tout, n’a plus d’obligation.

Rien qui puisse faire penser à un devoir.

Juste cet espace qui s’offre à nous.

Qui s’accordera à ce qu’on voudra bien. 

Il lui reste nos pensées.

Elle leur apporte cette nouvelle dimension

 

Elle compose avec leurs trajectoires,

S’essaie à des combinaisons improvisées.

Elle cherche à réveiller l’âme engourdie

A lui promettre d’autres récompenses

À se laisser toucher par la grâce.

Elle fait tout cela pour nous. Au-delà de la fatigue

Elle sent bien qu’il y a autre chose, de pas mort

Qui a encore son mot à dire ; elle a bien essayé

Tout à l’heure de capter notre attention

Mais quelque chose a manqué à l’appel.

Une forme de disponibilité, une qualité d’écoute.

La modulation du son du violoncelle :

Le vibrato, expressif, chaleureux, envoûtant

Le sul ponticello plus aigu, près du chevalet

Le très doux, près de la touche, tout en haut.

Cela aurait pu faire un beau sujet pour la Nuit

Si l’on avait pu ouvrir plus grande la porte

S’asseoir et regarder les lueurs de la ville

Depuis le promontoire où l’on était assis.

Mais le soufflé est retombé.

Le concert ne s’est pas donné

Ni même la partition.

Mais qu’importe en définitive

J’y ai cru un moment à cet enchantement

Qui viendrait me prendre par la main,

M’inviter à recueillir la beauté du silence.

 

9 janvier 2020    aux confins de l’obscurité

    

58. ACCROCHEZ-VOUS 

Sortez de votre tranquillité, de votre quiétude,

De votre zone de confort et allez de l’avant.

Tentez l’aventure, révélez-vous à vous-même !

Mettez-vous en route, mettez-vous en jeu,

Faites face à votre destin, ne restez pas crochés

À vos dogmes, à vos croyances, à vos certitudes.

Devenez les témoins de ce que la vie vous apporte

Et vous permet d’expérimenter ! »

Identifiez-vous à vous-mêmes,

Ne restez pas en marge de votre existence.

Eclairez les zones d’ombre qui n’ont jamais connu

Leur part de lumière, ou si peu !

Donnez du sens à vos trajectoires de vie

Apportez une réponse cohérente à vos actions

Lorsque tout n’est que tergiversation,

Lorsqu’entre les différentes propositions,

Aucune ne sort du lot,  ni n’a davantage de chance

Qu’une autre de se réaliser, de trouver gain de cause.

Occupez votre place, conquérez l’espace, mesurez-vous

Au temps, jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse…

Retenez votre élan, ne vous précipitez  pas tête baissée

Vers l’abîme, dans votre fuite éperdue en avant.

Cherchez par tous les moyens ce qui a sa raison d’être !

Même si c’est une toute petite contribution

Elle sera retenue et ne finira pas aux oubliettes !

Après avoir bataillé dur pour vous faire entendre,

Après de pénibles efforts ou de grandes souffrances

Vous voilà mûris, enrichis par les épreuves traversées !

Vous voilà dotés d’une résistance à toute épreuve

Valorisés par votre quête, offerts au ‘pleinement vous-mêmes’

À vos présences, sans retenue, d’une seule coulée…

8 janvier 2020    Parole de Ronce

    

57. CES DEUX CHOSES EN NOUS 

Toute chose implique sa complémentarité.

Les deux reliées entre elles par un filin invisible.

Sans aucunement se connaître au préalable

Elles se contiennent toutefois totalement !

Ensemble, elles peuvent former le Tout.

C’est une loi immuable à même d’assurer

La primauté et la pérennité du Vivant.

Elles s’y entendent si bien à donner le change

Que souvent, l’on passe de l’une à l’autre

Sans même s’apercevoir du subterfuge.

Cela revient à dire que si je fais une proposition

Je ne suis pas du tout certain de laquelle des deux

Va m’écouter et encore moins me comprendre.

Je sais tout  au plus que chacune à son avis

Et que mon désir n’est jamais complètement perdu.

Une fois ma proposition lancée dans le monde

La vie a soif de répondre à ce que l’on attend d’elle.

Elle voudrait tant satisfaire toutes les demandes :

« Nous voulons être telles que nous avons été créés »

Dans l’esprit de Sa pensée aimante ! »

Sans leur concours, nous ne saurions évoluer

Nous ne pourrions que tourner en rond sans relâche

Dans une cage dorée ou à remonter l’eau du puits.

Le vrai sens de notre vie, ne serait-ce pas d’élever

Au rang d’aspiration essentielle ce qui nous vient,

Qui échapperait constamment à notre raison

Avant d’avoir trouvé le chemin de notre cœur ?

C’est pourquoi elles se lancent la balle avec joie

Habitées en permanence de l’envie de nous plaire

Intactes en vérité, comme au premier jour

Quand nous avons été tirés du Néant.

7 janvier 2020                   Dans l’oubli de soi

    

56. PÈLERINAGE AUX SOURCES

Dès l’instant où a été franchi le seuil de pierre

Nous voilà plongés dans ces immensités arides

Qui s’étendent à perte de vue devant nous.

Les premiers pas déjà nous mettent en contact

Avec une sensation de légèreté, douce griserie

Qui vient dénouer la part d’indéchiffrable en soi

Nous montrer du doigt ce qui a voulu rester caché.

On la sentait pourtant venir, depuis les profondeurs

Cette chose qui tient tant à être révélée à la lumière

Cela couvait en nous avec tant d’impatience…

Retrouvailles avec ce témoin entré en nous

À notre insu, souvent, au gré des hasards…

Avancer, la tête haute, prendre la mesure du pas

Cultiver le silence, le laisser occuper à part entière

Cet essentiel délivré des turpitudes du quotidien.

Un vide venu occuper l’espace laissé par le cortège

Des images assaillantes véhiculant défis et regrets

En devenant le contemplateur de sa propre satiété.

La résonance des seuls cliquetis de pierres

Nous relance, nous tenaille, vient fragmenter

Cet horizon qui ne cesse de se dérober devant soi

Dans le déroulement mouvementé du paysage.

Désir d’en rester là, pour ce temps qui nous accueille

N’avoir dans l’esprit plus aucun objectif en vue

Comme de jeter l’ancre, se poser ici même, pour la fin.

Sauvegarder intensément cette immédiateté

Que chaque élément du décor révèle au vaste

À cet infini, hermétique à nos sollicitations.

Le corps a choisi sa cadence, la mesure du temps

Chaque bouffée respirée s’inhale goulûment.

Une musique intérieure scande le mouvement

Avoir repéré sa présence, sans trop savoir pourquoi

Mais rien n’a été dit, pas une parole n’est sortie

De crainte, certainement de déranger cette Paix

Qui t’a rejointe à la source de ton Êtres

6 janvier 2020  à Philippe Amalric, amoureux des Grands Causses 

                         

55. LE FIN MOT DE L'HISTOIRE

Comment le Ciel pourrait-il tout savoir, tout connaître ?

Il a besoin comme chacun de nous d’informations

Afin que toute vie puisse s’accomplir en total accord

Avec ce qui la compose, dans une entente parfaite

Entre tous les systèmes qui composent l’Univers

La Terre, la Lune, les Planètes et tout ce qui y vit.

Prenons l’aube, instant précieux entre tous :

Aussi bien fin de nuit que commencement du jour.

Porte ouverte, aussitôt close, entre obscurité et lumière,

Fraîcheur et chaleur, humidité et sécheresse…

L’Homme nourrit le Ciel par la prière, ses pensées,

Ses émotions ; le chant, la danse, les rythmes,

La musique que tout élève et fait grandir.

Il peut le faire à tout moment, seul ou en groupe

Ou assisté par des plantes comme l’Encens ou la Sauge

Elles écoutent ses histoires pour les envoyer plus haut.

Et le Ciel regarde, et voit aussi d’autres êtres vivants.

« Quelqu’un aurait-il quelque chose à dire ? »

Alors les animaux crient, hurlent, chantent, migrent,

Renâclent ou griffent le sol.

Alors les Plantes frémissent, déploient leurs feuilles

S’étirent après une nuit de rêve et puisent dans la terre

La parole à transmettre, qui défie toute gravitation

Remonte le long des racines, se transforme en bulles

Au contact de l’air pour continuer leur ascension

Le long de la tige jusqu’au bout des feuilles

A l’endroit précis où le Ciel peut lire ce qui lui est destiné.

Et l’œuvre devient accessible à notre compréhension

Et voilà notre sort inscrit à la fois dans l’espace

Et le temps jusqu’au cœur de nos cellules en y gravant

Le fin mot de l’histoire.

 

5 janvier 2020    avec un enfant, sur un banc

   

54. HOSPITALITÉ ALPESTRE

Notre existence se déroule dans un cadre austère et beau.

Même si nos conditions de vie vous paraissent précaires

Surtout pendant les grands froids des hivers rigoureux

Nous n’avons à aucun moment renié notre cadre de vie.

La Montagne nous offre tout ce que nous pouvons souhaiter

Son caractère sauvage incarne une indomptée liberté.

Dans la pureté de l’air vibrent les forces originelles de la Vie

Le désir de naître à soi et de progresser vers un avenir

Qui reconnaît et respecte pleinement notre dignité.

Elle nous permet de faire l’expérience vertueuse de la Paix

Dans l’émancipation de cet élan qui jaillit de notre Être.

De se retrouver dans la concordance parfaite de ce qui vit

En nous et autour de nous.

« Avant d’aller dormir, notre dernier regard s’élève vers toi

Vers tes parois sombres qui se découpent dans le ciel étoilé

Laissant briller au loin tes flancs neigeux les nuits de Lune.

Et en nous levant, de savoir la lumière déjà sur toi

Alors que nous sommes encore plongés dans l’ombre

Nous donne du courage pour toute la journée. »

La Nature qui décline sa puissance au gré des saisons

Fait battre nos cœurs au rythme de ses propres pulsations.

Sa rudesse vient stimuler notre culture et notre hospitalité

En nous enveloppant de sa généreuse protection.

Elle nous apprend à savourer la modestie à échelle humaine

À faire corps avec ce que la terre nous apporte

En échange de notre labeur et de notre endurance.

Une lenteur que le temps finit toujours par approuver.

Ces altitudes détiennent en elles les sources de la sagesse

Elles sont porteuses de sens profond, d’élévation

D’une fidélité à toute épreuve, jamais remise en question.

Le silence nous protège des artifices, des vaines sollicitations

De la démesure, du bruit, de la vitesse et de la précipitation.

Nous avons à cœur de préserver notre identité

De transmettre nos valeurs à ceux qui nous suivront.

Faire aimer et témoigner notre attachement à notre Vallée

Demeure pour nous la plus belle des satisfactions.

4 janvier 2020                   Val d’Hérens, La Sage

  

53. OPALINE

Viens donc t’installer confortablement à mes côtés

Et écouter ce que j’ai à te dire du fond de ma pensée.

Je vais être franc. Tout ne va pas aller de soi.

En premier lieu, il s’agit de bien établir les priorités.

Nul besoin de tout bousculer, ni de faire table rase.

Ceux qui ont pris l’habitude de prendre les devants

Doivent pouvoir continuer à le faire sans restriction.

Ils ont largement pu fait preuve de leurs compétences.

La carte des valeurs que nous allons mettre en place

Nous permettra de définir les potentialités de chacun

En leur attribuant les qualités qui leur sont propres.

Il s’agira de veiller aussi aux moyens à mettre en œuvre.

Nous accorder suffisamment de temps et d’espace

Pour mettre en place ce qui nous paraîtra nécessaire

Afin que tout puisse à nouveau  fonctionner à merveille.

La confiance réciproque reste certes le meilleur atout

Pour stimuler les énergies et motiver les troupes !

C’est elle qui nous permet de recevoir avec gratitude

Ce qui vient d’autrui, à travers les relations nouées.

Trouver le ton juste, saisir l’atmosphère propice

Et faire naître chez l’autre cette curiosité paroxystique

Cette envie d’en savoir plus sur ce qui nous épanouit

Nous fait vibrer, bouger aux tréfonds de notre Etre.

En engageant tout ce capital engrangé au fil des ans

Auquel on peut se référer en toute bonne foi.

Donner aux idées la capacité de percer les mystères

En respectant la nature intrinsèque de chaque chose

Voilà de quoi offrir à l’âme quiétude, sérénité et paix.

Et à la partie qui se joue, la chance inestimable

De nous faire partager un bout de nos chemins de vie.

3 janvier 2020                   En attendant le train

   

52. L'INFINI DES MONDES

Je prends ma place dans l’infini des mondes

Et de moi-même, dans ce qui me dépasse

M’échappe constamment et me revient toujours.

Je suis d’ici et de chaque parcelle du cosmos

Puisque je participe de chaque élément de la Nature

De chaque particule de matière en ce qu’elle naît

Se transforme puis meurt.

Il n’existe aucun lieu où je ne sois présent

Agenouillé en son centre, incliné vers la terre

Offrant mon échine à ce zénith qui me couronne.

Je suis celui qui offre et soutient l’énergie de vie.

Source par mon esprit, mon cœur et mon ventre.

Je suis le présent du présent, je reçois et je donne

J’aime et je sers, je suis un, je suis nu, comme l’arbre

L’étoile, l’oiseau de plumes et de chant.

Et cette vérité qui m’attire et se dérobe

Comme ce phare, lumière dans les ténèbres

Qui guide le navigateur en balayant les horizons.

C’est vers elle que je m’avance en trébuchant

Aux racines, aux pierres et aux obstacles.

J’accueille sa sève, laissant ses mystères me traverser

Pour que dans sa transparence rayonne toute sa clarté.

Me voici avec cette joie, aussi grande que ma peine

A été profonde, me voici révélé par l’une et par l’autre

Au niveau le plus élevé de ce qui me construit

Et se consume tel un feu ardent dans ma Foi.

 

2 janvier 2020                    Un ermite à St Maurice

   

51. TÉMOINS DU TEMPS

Elles sont déposées là, enfouies sous un peu de terre

Parfois si près de la surface, qu’il suffirait de gratter

Pour les remettre à jour et les retrouver dans sa main.

Si elles ne voient plus la lumière, elles restent sensibles

Au son, à ces pas qui piétinent le sol, homme ou animal

Et à tous ces petits génies qui s’activent tout alentour.

Elles ne sont cependant pas toutes seules à se trouver ici :

Les graines qui viennent d’être ensemencées dans ce champ

Rejoignent  leurs milliers de compagnes déjà en place.

Ce sont elles qui assument le rôle de gardiennes de la mémoire

Elles veillent à ne rien perdre du vécu de ce lopin de terre

En gardant à disposition toutes les ressources nécessaires

Pour le cas où il s’agirait de corriger ou équilibrer une situation.

Elles assurent le bon accueil des choix de l’homme

En proposant à leur hôte toutes sortes de facilités.

Services bénévoles et efficaces dont on aurait tort de se priver.

Ce sont les fidèles garantes de la pérennité d’une vie d’un sol.

Les voici d’ailleurs en plein palabres, devisant dans la joie

Communiquant de ce que fut leur vie et du sort qui les attend :

« Nous avons toutes un point commun, nous sommes toutes

Issues de la même idée, de la même ferveur, de la même sphère !

Chacune de nous représente à son échelle une part du monde

Dans sa totalité. Il n’y a jamais eu de rupture nulle part !

Réunies ensembles, nos particularités sont nos forces !

Grâce à nous, pour autant que l’on nous laisse en paix

La mémoire du Vivant ne saurait se perdre

Elle est restée intacte depuis la décision originelle

Depuis que fut donnée sa chance à chaque particule de vie !

Nous sommes bien les témoins du temps, les servantes du Feu

La patience est notre vertu et le jour n’est pas si lointain

Qui verra verdir et refleurir les déserts !

Nous serons au rendez-vous pour honorer notre promesse

Relier nos mouvements aux échanges et métamorphoses

Dans la mystérieuse alchimie des processus et des substances

En offrant de plein gré notre participation à la réalisation

Du Grand ’œuvre ! »

 

1er janvier 2020                Paroles d’adventices 

   

50. AVANT QUE LE GRAIN NE MEURE

Ils ont levé la tête, haussé les sourcils à ce silence qui s’est fait.

Ils s’attendaient à plus, à ce que d’autres mots arrivent

Après ce seul merci venu récompenser leur effort.

Ils ont senti que quelque chose manquait, mais sans savoir quoi.

Ils auraient voulu qu’on leur dise que toutes ces graines semées

Avec le geste gracieux qui les faisait voler dans les airs

Sont comme autant de pépites d’or.

Que le scintillement des étoiles, tout à l’heure

Une fois la nuit tombée, serait comme le signe

De leur attention vouée à chacune de ces semences.

Qu’elles ne soient pas abandonnées à elles-mêmes.

Et que de tout là-haut, fluides comme des perles

Viendraient ruisseler jusqu’à eux les notes des harpes célestes.

Voilà ce qu’ils se disaient, ayant arpenté leurs champs de long en large

Dans cette paix qui marchait avec eux.

Quelque chose de nouveau vient réchauffer leur cœur.

Cela a commencé par un tout petit mouvement

Décidé à s’approcher dans une bonne intention.

Cela ne leur était pas inconnu

Cela leur a même paru aller de soi.

Comme s’étant préparé spécialement pour être accueilli.

Comme quand l’espace s’élargit, devient vaste comme l’horizon

S’écoule au-delà des frontières, a rejoint l’infini.

Comme quand le ciel tout entier a choisi de participer

A leur concert de louanges.

Ils ont eu cet air léger et insouciant propre aux enfants

Et aux petits matins, quand tout se mettait à naître.

Le plus dur était maintenant derrière eux.

Il n’y avait plus rien à faire d’autre que de joindre les mains.

Et de laisser vivre en eux cette présence qui les aimait.

D’un seul coup, tout ce qu’ils ont voulu a été là.

31 décembre 2019          au semeur d’étoiles 

 

 49. LA COULEUR ENCHANTÉE

Elles sont combien, à se serrer les coudes

Plusieurs milliards à ce qu’il paraît

Nos cellules, à nous prêter main d’œuvre.

Dociles comme le plumage de la Colombe

Ou incisives, implacables et tranchantes

Comme des lames finement aiguisées.

Avec ce sang en elles – le maître mot –

Qui les parcourt, les étreint, les invite

Dans son pulsant cycle de l’intransigeance

À recommencer leur bouillonnement sans fin.

Et toi, comment vas-tu t’occuper d’elles ?

Vas-tu leur dire que tu sais lire leur message

Que tu t’y appliques assidûment tous les jours ?

Irais-tu jusqu’à affirmer que tu suis cette lecture

Même entre les lignes, dans les caractères

Les boucles et les tracés de leur écriture

Et dans les espaces laissés à ta libre inspiration ?

Laisse plutôt passer un peu de cette terre

Se décliner en fine poussière entre tes doigts.

Et si ce retour à la cause première, à tes origines

T’indispose, insurge ta logique raison

Si rehaussé à l’échelle humaine, à sa vaillance

S’avère trop fort pour toi, qu’à cela ne tienne

Soutient leur regard, droit en face vers ce moellon

Dans le mur où s’est incrustée cette petite Fougère.

Tu choisiras l’instant précis où renouveler

Ta promesse au Vivant en offrant allégeance

À ce qui te revient.

Tu prendras le temps nécessaire pour réfléchir

À cette terre qui n’a jamais pu oublier

Une position si âprement défendue.

Jusqu’à l’éblouissante heure de Vérité

Dans le formidable craquement d’un espoir

Comblé bien au-delà de ce que tu n’as jamais osé

Imaginer même dans tes rêves les plus fous.

 

30 décembre 2019          En hommage à Paul Klee

  

 48. UNE TERRE QUI RAYONNE

D’abord elle est douce, sucrée, enjôleuse

Elle donnerait presque envie d’y goûter

Mais de façon délicate, juste un petit peu.

Elle est comme de la dentelle fragile,

Faite pour recevoir la caresse d’une main

Qui resterait posée là sans l’abandonner.

Elle s’étend à tout, dans tout ce qui se fait

De ce qu’on doit aux autres à chaque instant

De ce travail qui a été préparé en amont

Pour nous faciliter la cohabitation.

À force de crier on l’avait presque oubliée

Elle ne s’impose pas, sait rester discrète

Elle attend que tout rentre dans l’ordre

Et qu’elle puisse s’installer confortablement

Prendre ses aises, quand le danger est passé.

On a envie de se mobiliser pour elle

De se mettre en avant, batailler dur

Défendre sa cause, même perdue d’avance

Ne pas craindre de risquer sa vie pour elle.

Ecarter les obstacles qui barrent sa route

Avec de grands moulinets des bras

S’avancer en agitant le drapeau blanc.

Elle souhaite une terre qui rayonne sa lumière

L’éclatement de nos limites, de notre densité

La guérison pour chacun, dans toute sa splendeur.

Et même si le chemin est encore long, tortueux

Elle nous invite à nous mettre en marche

A porter avec nous son message de Paix.

Elle nous dit que nous n’avons jamais été séparés

Que tout reste encore possible

Que nous gardons toutes nos chances

En lui consacrant un peu de notre temps

Une tournure d’esprit favorable

Et surtout en restant bien vivant.

29 décembre 2019

   

47. CETTE FRANGE D'INCERTITUDE

En ce moment même, je m’interroge :

Que reste-t-il de mesurable dans l’immensité du désert

Quand depuis le sommet de la dune, brille à l’horizon

La fine frange d’écume de l’océan ?

Et, devant la profondeur de l’abîme, quels mots choisir

Pour déceler le vertigineux sans risquer sa propre chute ?

Un simple éclat de pierre, peut-il à lui seul nous révéler

La majesté de l’édifice dont il a permis la construction ?

Est-il seulement possible de se pencher sur une fleur

Sans qu’aussitôt chacune de ses consœurs  souhaite

Bénéficier à son tour de notre admiration ?

Suivre dans les fragiles mouvances de l’aube

L’ascension jubilatoire d’une Alouette des champs

N’est-ce pas déjà affirmer sa ferveur à l’astre du jour ?

Et qu’en-est-il de cette voix dont la seule intonation

Me fait vibrer à tout ce qui se passe en moi

Entrer dans les dimensions de la pensée

Purifier mon dialogue avec l’âme

Œuvrer à sa délectation…

Ou encore de cet accord infime entre deux regards

Quête ardente vers un absolu inaccessible…

N’y aurait-t-il pas péril en la demeure à chercher

Une explication en toutes choses, avant même

D’avoir pu comprendre ce qui nous arrivait ?

Les réponses ne sont-elles pas souvent présentes

Dans ce qui n’a même pas encore eu lieu ?

Mieux vaudrait donc apprendre la patience

Laisser venir à soi l’improviste

Le laisser jouer les trouble-fêtes

Dans notre champ d’action.

Le passage frémissant  d’une Libellule

Equivaudrait à une caresse du ciel

Et plus rien d’autre n’aurait d’importance.

28 décembre 2019

   

46. FIGÉ DANS SON ÉLAN

«Stop!»  «suffit!» «coupez!»

Le ton était ferme, péremptoire, mais amical.

On était arrivé au terme de la répétition

Il ne restait plus grand monde sur le plateau.

Il avait laissé filer sa tirade dans les décors.

À nouveau, il s’était donné à fond dans ce rôle

Avait senti vibrer en lui ce petit truc du comédien

Qui vous vient quand on a été en phase avec soi.

Il réajusta sa posture et quitta la scène par l’arrière.

Peu lui importait l’avis des autres sur sa prestation.

De toute manière, il ne s’attendait plus à rien.

Savoir d’instinct ce qu’il valait lui suffisait.

Et d’ailleurs, c’était à prendre ou à laisser.

Lui reprochait-on son fatalisme ? Il n’en avait cure.

Depuis qu’il s’était enflammé pour sa vocation

On n’avait eu cesse de le bassiner avec le fameux :

« Mais voyons, Jean : ce n’est pas un vrai métier ! »

Il avait tenu bon sans jamais regretter son choix.

Envoûté par la magie du monde du spectacle

Il s’était voué corps et âme à sa carrière d’acteur.

Quoi de plus fascinant, en effet, que de se retrouver

Au travers d’un simple texte dans la peau d’un inconnu

De le représenter dans les gestes du quotidien

De se familiariser avec son caractère au fil des jours

Jusqu’à ne plus former avec lui qu’une seule identité !

Ce qu’il voulait, c’est se dédier entièrement

À celui dont il s’était vu confier l’existence.

Et le voilà aujourd’hui figé dans son élan

Avec, à la clef, cette lancinante interrogation :

« Et si celui auquel je prêtais ma voix et mon talent

Était en fait celui que je fuyais depuis toujours,

Qui me faisait maintenant signe de m’approcher

Pour me libérer de mes peurs, me laisser préserver

Cet espace que je voudrais tant voir respecter ? »

« Sûrement qu’alors je pourrais me permettre

Cette plus grande proximité, cette intimité

N’avoir plus à porter tout seul mon secret

Témoigner de ce qui m’est le plus cher

Et que je souhaiterais faire croître encore

À travers une longue complicité. »

« Et si cette confiance recouvrée me rendait capable

De mieux supporter les épreuves et les charges

De favoriser la cicatrisation de vieilles blessures

Me donnant même, qui sait, les moyens d’accomplir

Quelques-unes des grandes choses de la vie…

27 décembre 2019          

  

45. ELLE S'Y ENTEND À MERVEILLE

Cette nuit-là, mon rêve me conduisit vers un arbre

Debout à la limite de deux champs, l’un tout blanc

L’autre déjà recouvert d’une belle herbe vert tendre.

Ses branches dégarnies étaient peuplées d’oiseaux

Reconnaissables autant par leur plumage que leur ramage.

La crainte d’oublier ou de perdre l’un ou l’autre de leur nom

Me fit prendre un carnet et un petit crayon pointu.

En relevant les yeux, les volatiles, par magie avaient disparu

 

Et il ne resta que la silhouette des rameaux découpés dans le ciel.

Plutôt que les signes avant-coureurs du printemps

Cette vision évoquait la victoire de la lumière sur l’obscurité.

Entre paroles et silence, entre mystère et évidence

Entre matière et transparence, le monde tisse ses passerelles

Réconciliant les versions confrontées du sentiment et de la raison.

Comme si quelque chose cédait au tissu des conventions

Aux morcellements de l’analyse, aux allers-retours du jugement.

Il y a dans ce message le signe naturel d’une grande et belle clarté

D’un lien à l’existence qui sait se présenter à la simplicité.

C’est vrai que dans nos itinéraires quotidiens

La vie s’entend à merveille à jouer les trouble-fêtes.

Rebelle aux habitudes, elle bouscule les systèmes de référence

Que nous mettons tant d’acharnement à reconstruire aussitôt.

Un monde dont personne ne nous réclamait la preuve noir sur blanc

Jusqu’au jour où l’on s’entend crier à l’oreille : « reste à ton affaire!»

En avoir assez de lui disputer sa place, voir s’évanouir nos rêves,

Plutôt faire à cette douce lumière jaune et bleue notre lieu de séjour

Pour y retracer les chemins de nos paysages intérieurs.

Dans mon prochain rêve un oiseau blanc se glisserait dans le sillage

Argenté d’un rayon de Lune…

26 décembre 2019          sans personne à l’horizon

  

 44. EN PLEIN CONSENTEMENT

Les découvertes sont un peu éblouissantes

Il faut cligner des yeux, mais les trésors sont là

Il n’y a aucune honte à les contempler

Donc j’admire et me laisse éconduire.

Tout est si différent depuis tout à l’heure

Depuis cette ouverture à la lumière.

Comme si les mots au bord des lèvres

N’avaient jamais été si purs, si transparents

Dans leur façon de dire la vérité.

L’envie seule, d’être totalement présent à soi

Ne laisser de côté aucune miette de sa vie

Pour qu’elle soit reconnaissable entre toutes

Au moment des partages et des célébrations.

Le regard ne suffit plus à l’émerveillement

Ni le secours des gestes non plus.

Il suffirait de déclarer forfait.

Reconnaître que je n’ai pas pu faire autrement.

Que trouver l’espace nécessaire m’a manqué

Pour donner toute sa place à cet instant.

Mais que la ferveur pour l’accueillir

A déjà laissé éclore sa délicatesse.

Veiller à ne jamais précipiter les choses

Mais au contraire, les laisser agir en silence

Pour qu’à leur cadence, elles puissent garder

Leur pleine expression.

Se garder de transgresser les règles

Puisque c’est à travers elles que se construit

La grandeur de ce monde qui nous attend

Dans le secret espoir d’être porté

Par nos sens à notre compréhension !

Que nos propos soient prodigues et généreux

Afin qu’en toutes circonstances

Le verbe originel trouve son passage

Dans l’ouverture de notre Esprit !

Et même si le temps venait se refuser à nous

Nous jetant dans l’oubli, les causes perdues,

Que les défis viendraient à s’accumuler,

Jamais nous n’aurions à nous lamenter

Puisque tout ce qui est là pour durer

S’édifie en toute quiétude

Avec le plein consentement du Vivant

Sans ne jamais rien laisser dans l’oubli…

25 décembre 2019          Vénus dans la pureté du ciel

 

 43. LÀ D’OÙ JE VIENS

Sans dire un mot, elle avait écouté toute mon histoire.

Par moments, une feuille entraînée par le courant

Flottant comme une petite barque, frêle esquif

Apportait une diversion salutaire à mon propos

Comme de lui donner un nouveau souffle…

Il fallait partir, mais impossible de s’arracher

À cette contemplation fluide du temps.

« Ce n'est pas facile, n’est-ce pas ? »

Puis, accentuant la pression de son bras à ma taille :

« Viens, nous serons mieux à l’intérieur »

Je la suivis vers une table près de la baie vitrée

« Ici, ça sera comme dehors »

Nous étions dans cette ambiance de Noël.

Le soleil éclairait le haut des façades

Sans parvenir jusqu’au niveau des pavés.

Un froid cinglant faisait se hâter les passants.

Malgré tout, dans cette agitation de la foule

Le martèlement de ces pas, cette logique

Orchestrée de la préparation de la Fête

Flottait quelque chose de reposant, de familier

Que l’on pouvait  retrouver année après année

Et qui parlait au monde de l’Enfant.

Qui donnait à la nuit plus de mystère

Qui en renforçait la magie, le secret.

Les illuminations, les bougies, la buée sur les vitres

Les grands manteaux qu’on enlève

Les écharpes pliées soigneusement

Avant de se frotter les mains.

Elle buvait son thé par petites gorgées

Tenant sa tasse bien serrée

Avec cette vapeur qui s’en échappait

Comme toute à l'heure, nos haleines près du canal.

Mon doigt suivait les veines du bois, ralentissant

À l’approche d’un nœud pour le circonscrire.

Elle me prit la main, releva la tête.

Son regard limpide se posa dans le mien

De cette bienveillance réconfortante que j’aimais tant.

Le souvenir était là, dans toute son évidence.

C’était quelques années en arrière, comme maintenant

À l’époque de Noël. Il faisait nuit noire

Et sa petite main serrait fort la mienne.

Nous nous étions arrêtés  pour regarder le ciel.

« Là ! » Il avait  pointé le doigt vers une étoile.

Devant mon étonnement, il avait dit simplement :

« Quand j’irai au ciel, c’est elle qui me montrera le chemin ».

24 décembre 2019

 

42. SECRET D'ALCÔVE

« L’âme seule est incapable d’opérer un tri

Dans ce que nous lui confions.

Elle ne peut faire autrement que d’accueillir

Ce qui lui est présenté.

Le chemin de guérison se fait en visitant les lieux 

Où se sont produits les  décalages.

Si cet ajustement ne peut pas se faire

 

Apparaissent des objections, des peurs, des interdits

Qui s’alimentent de ces contradictions.

Ils iront en s’amplifiant Jusqu’à former un corps étranger

Qui va prélever autour de lui tout ce qui lui est nécessaire

Pour le confirmer dans le rôle qu’il se persuade d’avoir à jouer.

Il devient vraiment cet ingrédient  à part entière

Qui altère peu à peu notre vision des choses

Jusqu’à perturber le bon déroulement de notre existence.

Tous les éléments sont réunis pour un éloignement de soi.

Jusqu’à notre mort, notre âme garde en elle les bienfaits

De notre vie, qui se sont érigés en ‘bonnes grâces’.

Et la Nuit nous réattribue la récompense de ces qualités

Élaborées au travers de notre ligne de conduite.

Rêver d’images de ‘paradis sur terre’ équivaut à la rencontre

De ces parts de nous qui connaissent la félicité !

Durant notre sommeil, le désir de se formuler intérieurement

De circonscrire les choses dans leur appartenance

Nous apparaît comme plus vrai, plus nourrissant.

Il déclenche en nous un sentiment de fraîcheur et de pureté

L’envie d’une communion avec ce qu’il y a à l’intérieur de soi.

À la lumière, la fleur exprime ce qui est à l’intérieur d’elle.

Alors que l’être humain a besoin de la nuit pour s’ouvrir à soi…

Les Images se formant dans les rêves sont intactes

Alors qu’en cherchant à les expliquer

Elles prennent en considération ce que nous sommes.

De fait, ce n’est pas si grave de perdre les images de nos rêves…

Ce qui importe, c’est finalement la faculté qu’ont ces Images

À recomposer, à réaménager notre identité

De manière à la rendre compatible avec notre destin…»

23 décembre 2019

 

41. NUIT & JOUR

27…28 …29…30 !  La voix juvénile résonnait joyeusement

Dans la forêt, entre les arbres et les pierres moussues.

Quand j’étais petit, j’adorais ce jeu de cache-cache

Qui me permettait de disparaître aux yeux du monde.

L’histoire de Bambi blessé, guidé par l’Ancien

Pour échapper aux chasseurs et au flair des chiens

Peuplait mes songes, et je n’avais de cesse moi-aussi

De recevoir l’initiation d’un Mage aux secrets de la vie.

Un terrain accidenté avec des cavités, des blocs de mousse

Où me glisser, représentait pour moi une totale jubilation.

Las, face aux appels angoissés de mes compagnons

Je finissais toujours par réapparaître au grand jour

Sans n’avoir jamais rien croisé d’étrange…

Et voilà qu’un beau jour, je me retrouvai ici

Devant cette grotte sur les pentes du Mont-Pèlerin.

Avec pour mission de rencontrer le Génie de la forêt !

Curieusement, au fur et à mesure de ma progression

Une douce clarté me conduisait vers l’intérieur.

Voici ce que j’entendis :

« La Nuit et le Jour ont bien chacun leur personnalité.

Chacun garde pour soi ce qui n’appartient pas à l’autre.

Et le Rêve, c’est vraiment le Pont entre ces deux mondes.

C’est une forme de réarrangement de la Réalité…

La ruelle devient alcôve, le caillou devient noisette

Le bassin fontaine ; l’igloo, oasis dans les dunes du désert.

Nous sommes constamment invités à amener l’équilibre

Entre nos perceptions extérieures  à l’état de veille

Et leur ‘involution’ dans l’inconscient pendant  le sommeil

Durant les phases duquel se déroule la restauration de l’être.

Et le but du rêve serait d’établir une forme de médiation

Afin de rendre conciliable tout ce à quoi

Nous sommes en permanence confrontés.

Redonner leur véritable sens aux choses

Nous fera assimiler cette ‘intention privilégiée’

Qui constitue la substance-même de l’âme.»

22 décembre 2019   solstice d’hiver                        (à suivre)

 

40. L’OISEAU DE PAPIER

La vie n’attend pas ; elle guette, elle espère

Notre participation ; elle nous ouvre ses portes.

Cela prend du temps de s’éveiller à elle

De chasser les ténèbres, de l’accueillir, la convier

À nos perceptions, notre désir de communion

Notre sensibilité à fleur d’être

De la voir prendre ses aises dans notre corps.

Nous aimerions vivre sans effort ni justification

Sans plus aucun regret ni remords à déplorer.

À l’image de cette beauté vibrante, créatrice,

Fluide et légère qui ne nous quitterait plus.

Mon âme devait se trouver imprégnée

De tels sentiments, lorsqu’à mes dix ans

Je restai immobilisé durant un long mois

Pour une fracture dans le temps de Noël.

À l’initiative de ma mère, je me mis à dessiner

Pour chacun de mes camarades de classe

L’oiseau qui me venait à l’esprit.

Lorsque ce fut le tour du Loriot, je fus stupéfait

De cette éclaboussure jaune que le noir de jais

Venait limiter par une rupture si contrastée !

A qui allais-j ‘attribuer ce lumineux joyau

Qui fit l’objet de toutes mes attentions ?

Je reçus cette surprenante réponse :

« Tu le donneras à cet enfant laissé à l’écart

Sans aucun ami et qui se sent si maladroit

Dans cette école ! »

Ainsi fut fait.

Nous vécûmes de riches années de scolarité

Des passions communes nous unirent.

Et quand, par de chaudes journées d’été

Retentissait du haut des cimes le ’dodelio

Flûté et joyeux de notre hôte des tropiques

La complicité entre nous faisait plaisir à voir !

Vingt ans après, je le perdis sous une avalanche.

On me remit une petite boîte en fer blanc

Avec l’image restée intacte de l’oiseau d’or.

Il y eut ces simples mots qui me disaient tout :

« Je crois bien que c’est à toi ! »

 21 décembre 2019    pour laisser entrer la lumière

 

39. INTIMITÉ

Elle a apprécié d’être revenue à cet endroit

Auprès de la grande nappe d’eau en mouvement.

Soulagée de ce choix qui s’est offert à elle

De se retrouver seule face à ses souvenirs.

Sa journée a été un véritable tourbillon.

Trop d’émotions à gérer d’un seul coup.

Les retrouvailles surprises avec cet ami

Qui a tant compté dans son passé.

La bouffée d’air frais qui emplit ses poumons

Le cortège des senteurs la distrait un moment

Une fille indomptée pieds nus dans la mousse.

Elle repense à la décision qu’elle avait prise

Pour cet homme soudainement apparu dans sa vie.

Son visage quand elle s’était approchée de lui

La finesse de ses traits, le sourcil interrogateur.

Qu’aurait-elle pu faire d’autre ?

Qu’est-ce qui aurait changé si elle avait dit oui ?

Aurait-elle été prête à vivre une grande histoire

D’amour ?

Les rendez-vous étaient pour la fin de la journée

Quand chacun avait fini son travail.

Au bord du fleuve, là où elle est maintenant

Où on peut laisser vagabonder ses pensées.

Pas d’heure précise. Jamais de montre.

Le premier arrivé attendait l’autre tout simplement

Une petite incertitude qui grésille dans le ventre

Cela leur allait bien, à l’un et à l’autre.

Elle appréciait quand c’était à elle d’attendre

Avec ce petit doute qui ne voulait pas la lâcher.

Ce soir-là, cela avait été plus long que d’habitude.

Peut-être même bien plus qu’une heure

Elle s’était amusée avec l’oiseau des galets

Ses pirouettes lui avaient fait passer le temps.

Il était arrivé en courant et son sourire

Quand il l’avait vue assise, dessiner dans le sable

C’était beau, cela portait tout avec soi.

Il l’avait serrée fort dans ses bras.

Elle avait été si heureuse dans cette première étreinte

Avec ce sentiment d’inconnu, de mystère

Qu’elle avait gardé en elle pour y goûter encore

Pour avoir le bonheur de cette grâce partagée

Qu’elle n’oublierait plus.

20 décembre 2019  au bord du Rhône

 

38. INCONNU DANS L'HISTOIRE

Refermer le livre. Le laisser posé sur ses genoux

Sur cette couverture qui protège mon histoire

En la départageant de celle des autres.

Même si c’est perdu d’avance

Puisque tout est lié en permanence

Tissé dans les fils de cette force mystérieuse

Qui se nourrit de ma présence

Sort de moi à l’improviste

Quand plus rien ne compte de déterminant.

Laisser vagabonder ses pensées, s’assoupir presque

Partir loin, dans cet espace qui m’enveloppe et m’étreint.

Respirer l’air de la nuit. Voir scintiller Orion.

Etre saisi du vertige de cette apogée du minuscule

De l’insignifiant, de l’extase absolue qui te dépasse

Cette attraction universelle qui bouillonne en toi.

Elle m’emporte inexorablement dans son élan

Plus fort que tout dans une lutte inégale

Même inutile, comme ces questions que l’on pose

A l’avance, sans avoir seulement pris le temps

D’écouter ce qui s’échange à l’intérieur de soi.

Lorsque je me suis décidé une fois pour toutes

De ne plus être le jouet de fortuites circonstances

Quand j’ai cherché à me décanter du superficiel

J’ai découvert non seulement ce qui était vrai

Mais que je me suis laissé instruire par cette vérité.

Et ce brin de sagesse, dont plus rien ne me sépare

Cette expérience fabuleuse est le premier résultat

Du chemin qui mène au cœur des choses.

Reconnaître par soi-même ce qui est juste

Qui prévaut non seulement dans son accord à la réalité

Mais bien en termes de fidélité à soi.

Laisser couler la rivière à ses pieds

Dans son long flux tranquille

Avec derrière soi, les bruits estompés de la cité

Descendre dans l’arène, même déserte

Entonner ce chant de louanges qui saisit la gorge

Et fait vibrer tout son corps dans la puissance

Et la pureté du son multiplié.

19 décembre 2019  à Bourvil  de cœur à cœur

 

37. L’ÉGALITÉ DES CHANCES

Je t’ai bien écouté. Ta quête m’a l’air vraiment sincère.

Et puis, tu as fait tout ce chemin pour venir me trouver.

Cela mérite que nous nous accordions de notre temps.

Vois-tu, mon fils, tes questionnements peuvent réellement

Être mis en relation avec le devenir de la Terre

Cela va même plus loin, ils participent au devenir de l’Univers.

Et vois-tu, ces hommes qui ont créé l’architecture de ce temple

Savaient qu’un jour nous serions capables de les reconnaître.

En répondant ‘présent’ à plus grand que soi, chacun de nous

Se rappelle à lui-même qu’il est vivant. Qu’il a été choisi pour aimer.

De ce lien d’Amour qui apparaît et peut se manifester n’importe où

Etant inscrit dans le vœu même de la Création.

Même si les inégalités, les injustices restent toujours aussi flagrantes

Et que leurs confrontations perpétuelles sont tellement choquantes

Cela ne constitue pas une raison de douter des mystères de vie.

Si la solidarité, l’égalité des chances, le partage équitable entre tous

Des valeurs de chacun reçoivent un écho de plus en plus favorable

C’est bien parce qu’ils sont représentatifs des lois de la Nature.

Ces ouvertures ne sont pas de simples brèches, ni des insuffisances

Elles sont  des regards : «  où vous serez assemblés en mon nom,

Je serai là, au milieu de vous.»

Ce contact avec l’essentiel, la libération du compromis avec soi

C’est à l’écoute de cet appel intérieur qu’il fait référence.

Voilà ce qui est au cœur du sujet : la transparence à l’Être

L’ouverture à sa nature profonde, la chance de réconciliation

Offerte à nos parts d’ombre, à ce qui est sorti de la lumière.

Il nous est dû d’entrer dans un terrain de connaissance

Jusqu’à ce contact d’éternité en nous.

Dans la perspective de l’impuissance que tu as évoquée

Le Divin serait alors la part que tu n’arrives pas à rencontrer.

Et Noël serait pour chacun de nous la possibilité offerte

De se réajuster à ce cadeau reçu à notre naissance

De faire Un avec le Tout, d’entrer dans l’unité de soi

Dans la pleine conscience de cet unique que je suis.

 

18 décembre 2019                          à Pablo Neruda

 

36. UN MESSAGE  CÉLESTE

Lorsqu’elle repense à ce qu’elle a vécu, la graine se souvient

De la pleine beauté du Monde, les aubes de rosée

Du chant d’ivresse des oiseaux, des visites des abeilles

Du gazouillis des enfants, des confidences des amoureux…

Tout en elle aspire alors à la plus haute perfection

Pour s’épanouir et satisfaire le grand vœu de l’Esprit créateur.

En réalité la semence n’est inerte qu’en apparence.

Elle reste en permanence en contact avec ce qui l’entoure

Enregistrant de façon très subtile tout ce qui se passe autour d’elle.

Elle compare ce qu’elle ressent avec le souvenir de ce qu’elle a vécu.

Oui, c’est bien ainsi : pendant sa période de dormance, la Plante ‘rêve’.

Et en rêvant, elle élève son âme vers la Source dont elle est originaire.

Elle s’épanouit dans ce qui a été créé de parfait pour elle

Selon l’Image conçue, jusque dans ses moindres détails.

Elle sait que la nature est amoureuse d’elle pour les œuvres

Qu’elle élabore avec l’accord et la bienveillance de tous.

La graine reçoit ses informations de la Pensée universelle

Elle souhaite ardemment que  toute la terre fasse silence autour d’elle

Pendant qu’elle se concentre pour n’en pas perdre une seule miette.

Elle écoute avec une parfaite docilité la petite voix tranquille

Qui lui indique le chemin à suivre.

Rien ne lui échappe, elle assimile tout.

Elle sait que ce ne sera pas facile, que les périls la guettent

Mais sa volonté est forte, elle oublie d’avoir peur

Elle se sent protégée de tout, même de ce qu’elle ne connaît pas.

Ainsi, le ciel vers lequel elle va s'orienter représente pour la Plante

L’expression d’un monde parfait.

Elle ne souhaite plus rien d’autre que la paix

Et a choisi d’aller jusqu’au bout.

 

17 décembre 2019    Une voix dans la nuit

 

35. LA COUVEUSE A IDÉES

C’était il y a cinq ans, dans le temps de l’Avent

Par un jour gris, de ciel bas, comme aujourd’hui.

Une cave voûtée avec de belles arches de pierres.

Tout est calme ; la deuxième fermentation est en cours.

De petites bulles éclosent dans de sombres cuves 

Pour s’évanouir à la surface en éphémères fumerolles.

Les bactéries sont à l’œuvre pour transformer le vif en plus doux.

Aucune odeur dérangeante, sinon celle du confinement.

Sur une grande table au plateau massif bien verni

Un cercle de fer…de ceux que l’on met autour des tonneaux.

Debout, appuyé contre une colonne qui le dissimule à demi

Un vieillard de légendes : Gandalf du Seigneur des Anneaux.

En réalité Saturne-Chronos, en train de contempler son œuvre :

La dormance des graines protégées du froid.

Me voilà  face à une couveuse, à l’image de ces lampes infrarouges

Sous lesquelles vont se blottir les poussins.

Sauf que là, c’était une couveuse à Idées…

Ici, les semences ne savent encore rien de ce qui les attend.

Tout comme ces enfants (de l’époque…) à leur premier jour de classe :

Curieux de tout, fiers de leur nouveau statut, mais sans aucune idée

De ce que cela allait changer pour eux dans la vie de tous les jours.

Juste la joie d’apprendre, avec comme seul bagage, leur enthousiasme!

Pas complètement vides pourtant : nourris de l’amour maternel et filial

D’une tendresse infinie, qui les a portés jusqu’ici.

Quelque chose en eux leur dit, que sans Amour, rien n’est possible…

Mais de çà, ils doivent encore faire l’expérience…

En me réveillant, j’ai ‘su’ que je venais d’assister « en live »

A  l’Information transmise aux semences pendant la saison morte,

A l’intérieur de cet Anneau magique.

C’est bien ici, à l’intérieur de la terre, que se joue ‘la clef de sol’.

Une mélodie des sphères dévolue à la « spiritualisation de la matière »

Afin que chacun, au moment voulu, connaisse son rôle à merveille

Et sache se réaliser dans la forme close qui lui a été définie

Pour participer pleinement à l’oeuvre de la création…

16 décembre 2019       Un rêve

 

  

34. LE DROIT D’AIMER

« Il y a un trésor dans la terre

Il n’est à personne, il est à tout le monde.

Tant que chacun le cherchera pour le prendre

Et pour le garder à lui tout seul, aucun ne le trouvera.

Ceux qui voudront le partager entre tous, ceux-là le trouveront. »

George Sand

 

Quand j’étais petit, bien avant de savoir lire les heures

Les cloches exerçaient sur moi une véritable fascination.

C’était même ma première véritable passion.

Dès que j’apercevais une église, je trépignais de joie

Et faisais tout pour m’approcher de la source sonore

En laissant les résonances creuser leur espace en moi.

Et comme l’horloge gardait pour moi tout son mystère

Je restai souvent déçu quand la voix céleste s’éteignait.

A mes yeux, il émanait des cloches un concentré de force

Qui s’y entendait à coup sûr pour éloigner de nous

Les territoires indomptés de la peur.

Aujourd’hui encore, je reste convaincu du rôle salutaire

Des sonnailles dans leur capacité à donner de l’espoir

A tisser une forme de connivence avec nos existences

Comme si elles nous procuraient le poignant témoignage

De ce plus cher et précieux en nous.

Et même si à travers elles je me suis trouvé confronté

Aux épreuves du deuil, quelque chose de plus fort

Que la mort leur a survécu.

La chance de rester perpétuellement ouvert à l’Amour

Cadeau inestimable qui nous est donné à la naissance

Et qui se manifeste en permanence dans l’heureuse

Étendue des jours et des nuits…

Dans ces moments où vibre la pureté de l’Instant

La rencontre inspiratrice de la vénération

L’accord musical de l’âme que propose la paix intérieure

Dans le vif de la vie, au cœur du sacré.

 

15 décembre 2019          Aux maîtres sonneurs

 

33. UN FIDÈLE COMPAGNON DE ROUTE

Les allées du parc nous ont guidés vers les coins secrets

Contournant de luxuriants massifs, des vasques d’eau claire

Nous évadant dans la couronne de géants vénérables

Dont l’ardent feuillage venait tapisser les vertes pelouses.

Le charme désuet de ces espaces invitait à la rêverie

Aux temps des seigneuries, des hauts rangs de la noblesse

Du raffinement des grandes cours aux fêtes somptueuses

S’offrant au passage les privilèges de la culture et des arts.

Et si l’invitation dans cette vaste propriété servait de prélude

Au message qui allait m’être confié tout à l’heure ?

A quelle énigme mon mystérieux hôte allait-il me confronter ?

Je me laissai bercer par le rythme de son pas tranquille à mes côtés.

Le calme des lieux ne suffit toutefois pas à me rassurer.

Trop de questions viennent encore se bousculer dans ma tête

Cette aide inopinée sera-t-elle suffisante pour me délivrer ?

Je savoure d’autant plus intensément ce sursis momentané.

Une fois assis face au lac, son regard se perd au loin.

Je suis saisi par la force de pénétration de cet homme

Qui laisse la substance des mots se former dans ses pensées

Avant que sa voix ne vienne les relier les uns aux autres.

« Tout ce qui te vient de l’extérieur par le domaine des sens

Nourrit le monde terrestre qui a produit ce que tu reçois.

Mais ce qui participe à ta construction à l’intérieur de toi

Alimente le monde spirituel auquel tu aspires d’accéder.

Matière et esprit occupent en toi la place que tu leur accorde

Ils s’entendent entre eux pour agir en ton nom

T’offrant la disponibilité intérieure de forger ton Identité.

Leur participation à l’œuvre céleste, non plus séparément

Mais de façon concertée te permets d’obtenir des résultats

Bien plus solides que ceux dont tu t’es satisfait jusqu’ici.

L’indéfinissable qui vit en toi fait en permanence l’expérience

De ton vécu.

Il inscrit ta soif d’absolu dans l’ordre naturel des choses.

Il compte sur toi pour mener ta quête vers sa pleine réalisation

En te laissant libre de renouer avec tes racines perdues… »

Le silence revient et tout l’horizon se porte à notre rencontre.

14 décembre 2019          sept ans plus tôt

 

32. CROIRE AU MIRACLE

Voilà ce que tu aurais souhaité.     

Un sentiment de stabilité

De sûreté de soi, d’être enraciné dans quelque chose de solide

Tout en te sentant utile à servir une noble cause.

Mais voilà que cela a pris une direction imprévisible.

Tu as bien cherché à retenir l’attelage de toutes ses forces,

Mais rien n’y a fait, le timon a lâché et tout s’est emballé.

Et là, bien malin qui réussira à rattraper le coup !

Te voilà donc lancé au bord de la route

Avec une décision dans la poche.

Qui n’est inscrite nulle part, pas sur le moindre papier.

Il n’y a que les mains pour elle, et encore,

Si elles pouvaient être occupées ailleurs…

Mais pour l’instant, il y a seulement cette attente

D’observer ce qui se passe.

Dans un premier temps, rien qui ne te concerne

Un peu de poussière soulevée au passage des véhicules

Un bruit qui s’éloigne et le silence à nouveau.

En ce moment, ton esprit n’est pas libre.

Il est encombré de mille et une choses

Qui ne se sont pas encore présentées au portillon.

Tu aimerais déjà obtenir la preuve que tu es bien au bon endroit

Et que tu ne serais  pas en train de rater quelque chose d’essentiel.

Mais ton imagination te joue des tours en martelant dans ta tête :

 « Voilà ce que j’aurais envie de vivre ! »

Eh bien non, au risque de te décevoir, cela ne viendra pas comme çà

Où que te mènes tes pas, tu seras toujours le même que maintenant.

Tu continueras encore et toujours à croire au miracle

Alors que le miracle est là où tu te trouves actuellement

Dans ce petit bout de terre qui t’accueille

Et qui se donne toutes les peines du monde

Pour se fondre avec toi dans tes coulées de lumière.

13 décembre 2019  

 

31. DÉLIVRANCE

Elle est là, agenouillée, blottie, frissonnante, résignée.

Elle n’est pas rassurée du tout de ce qui va arriver.

Elle attend ce verdict qui va décider de son avenir.

Elle se rend compte qu’elle n’a pas fait juste

Qu’elle aurait dû s’y prendre plus tôt 

Aller au front. Se mesurer avec l’adversaire

Dire haut et fort, ce qu’elle avait sur le cœur.

Elle n’aurait eu qu’à clamer son innocence

Témoigner de ses bonnes intentions.

Dire qu’elle ne renie pas son entourage

Qu’au contraire, elle l’écoute, le partage

Le conçoit, dans l’émerveillement du quotidien.

Mais quelque chose en elle a douté

Cela a eu l’air plutôt fragile, presque insignifiant.

On aurait très bien pu ne pas y prendre garde

Et faire comme si de rien n’était.

Mais voilà, cette petite chose a imploré le silence

Et elle a voulu lui rendre ce que ses mots lui doivent.

Elle ne croit plus aux miracles ; trop souvent déçue 

Mais là, elle sent que c’est sa dernière chance.

Il s’est mis en marche lieu aussi

Et on le voit s’approcher.

Sa silhouette se détache dans un halo de lumière.

Bientôt on va voir ses traits.

Il est là. Il a posé sa main plate sur ma tête.

Il dit : « C’est moi qui suit venu te délivrer

Tu n’as plus rien à craindre maintenant 

Tu n’as plus à te fuir, ni de secret à garder.

Retrouves-toi simplement unifiée

A ce que tu as su depuis le tout début.»

12 décembre 2019  - concerto No 23 de Mozart

 

 

30. HABITER CHEZ TOI

Il t’a fallu beaucoup de courage pour sortir de l’ornière.

Tu n’as pas ménagé tes efforts pour renouer le contact

Avec ce qu’il y a de beau, de juste et de vrai en toi.

Et il t’a fallu autant de détermination pour garder

Ces valeurs retrouvées au centre de ta vie.

Tu as enfin pu te dire : « c’est ici, à l’intérieur de moi

Que j’habite. C’est là que s’est construit mon foyer. »

Tu as compris que la maturité ne consistait pas

A poursuivre une idée, ni à triompher d’un point de vue

Mais qu’elle se trouvait dans l’acceptation humble

Et joyeuse de ce qui est, de tout ce qui est.

Tu sais maintenant que créer revient à te retirer

A ‘t’absenter’ pour laisser s’édifier l’œuvre à travers toi.

C’est là que se loge ta véritable responsabilité d’humain :

Devenir l’inventeur de ta vie en y accueillant notre Amour.

Voilà pourquoi tous ces ajustements dont tu as été l’acteur

Viennent nous faciliter si grandement notre travail.

Lorsqu’une information est prête à être déposée

Dans la conscience des hommes

Nous ne pouvons pas attendre trop longtemps

Qu’elle se manifeste à eux.

Nous devons trouver les circonstances les plus favorables

Pour vous la présenter et faisons le tour de nos alliés

Pour découvrir la meilleure occasion de faire passer le message.

Tu es l’un de ceux qui a su nous garder sa confiance

Et nous aimerions aussi te remercier pour cela.

Nous avons toujours pu compter sur toi

Non seulement pour recueillir nos paroles dans leur vérité

Mais aussi pour savoir les transmettre

Là où elles se devaient d’agir au moment voulu.

Ainsi, beaucoup de petits et grands miracles ont-ils eu lieu

Grâce à tous ces services que nous nous sommes rendus.

Continue à te laisser guider par ta bonne étoile,

Ne t’éloigne pas de ta route ; laisse le sable effacer tes pas.

Et ne sois pas surpris si parfois tu n’entends plus rien.

Adresses-toi à ceux qui viennent à toi avec leurs propres mots,

Ils sauront les reconnaître et les adopter.

Tu n’as pas besoin d’aller chercher ailleurs.

Ce qui t’es utile te sera apporté là où tu te trouves.

Nous nous réjouissons de notre bonne collaboration

Et te présentons nos meilleurs vœux pour ce jour particulier.

11 décembre 2019 – à l’oncle Paul

 

29. LE MARCHE  AUX  FLEURS

Un ange blanc dans sa robe de lumière, de grandes ailes

Une auréole dorée et une étoile posée dans la main

Et de l’autre te montre ton chemin sur cette terre.

Voilà la vision empreinte de chaleur, de tendresse et d’amour

Qui illuminait ton visage lorsque nous nous sommes rencontrés.

Puis, ta vie s’est assombrie. Tu as perdu ton insouciance et ta gaité

Tu ne sais plus comment accueillir ce que t’apporte ton existence

Et tu t’es rendue inaccessible en t’enfonçant dans ta propre nuit.

Cette impuissance à te venir en aide nous a bouleversés.

Malgré toutes nos bonnes intentions nous n’avons pas su te rendre

L’émerveillement de cette fille spontanée qui s’extasiait en riant.

Les mots eux-mêmes étaient devenus stériles et impuissants.

Pourtant, le renversement tiendrait à bien peu de chose

Il suffirait que la balance s’incline un peu davantage

Vers tout ce qui peut retrouver de l’importance à tes yeux

Qu’elle pèse un peu plus clairement la valeur de ces choses-là.

Elles viendraient faire la queue devant la porte de ta chambre

Ou veilleraient sur ton sommeil au pied de ton lit

Dans l’attente d’un sourire ou d’un geste affectueux.

Sûrement qu’elles retrouveraient alors ce courage qui leur a manqué

Elles reprendraient espoir et tu pourrais à nouveau compter sur elles.

T’en faire tes amies, comme ces fleurs que tu admires chacune pour elle.

Une étape décisive est à franchir pour inverser le cours des événements

Engages-y tout ce qu’il te reste de force et de détermination.

Plus tu attendras, plus la faille deviendra béante et un jour il sera trop tard.

Ne rend pas tes épreuves trop dures et inaccessibles.

Elles ne sont pas effrayantes et ne chercheront jamais à te détruire

Soulage tes peines en réunissant autour de toi tes alliés.

Alors, s’il te plaît, fais cet effort; tend-leur la main

Dis-leur combien tu seras heureuse de retrouver ta baguette magique

Pour accrocher au ciel cette étoile qui a fait briller tes yeux.

 

10 décembre 2019   dans la vallée du Nozon

 

28. L’ECRITURE  DU  TEMPS

« Si un peu de rêve est dangereux,

Ce qui en guérit, n’est pas moins de rêve,

Mais plus de rêve »  Marcel Proust 

 

Te voilà devenu réceptif à l’écriture du Temps.

Immergé dans cette substance qui incruste

Ta chair en y gravant ton nom, tes origines

Et tout ce qui a évolué avec toi jusqu’à ce jour.

Elle inscrit tout ceci dans tes cellules et tes tissus

Patiemment, avec toute l’attention voulue

Dans les moindres détails ; elle dessine tes traits

Donne l’éclat à tes yeux, la saveur à ta bouche

Et vient marquer sur ton front ce que tu as engrangé.

Parfois elle suspend son cours, elle reprend son souffle

Elle respire, comme toi, quand tu as atteint le col

Et que tu jettes ton regard sur l’autre versant.

Tu crois qu’elle te dépouille, qu’elle t’amenuise

Qu’elle te prend toutes tes forces en t’épuisant.

En réalité, elle fait tout le contraire.

Elle te construit, t’édifie, te ramène à la raison.

Elle s’éveille et se réalise à ta propre conscience.

Cherche à ne rien oublier de ce qui compte pour toi

Te rejoins pour vivre avec toi dans une commune joie.

Mais ce qu’il y a de mieux encore, de plus saisissant

C’est que, tout ce qui passe et traverse ton existence

Tes chagrins et tes bonheurs, tes doutes et tes certitudes

Tes inspirations, ta vocation, tes passions, tes amours…

Se révèle d’égale façon dans la matrice de l’univers.

Formant ainsi non seulement une gigantesque mémoire

Mais aussi et surtout une chronologie  indélébile

Empreinte lointaine d’une source de jouvence

Qui veille à ta destinée dans la plus réconfortante

Des lumières…

 

9 décembre 2019  à Catherine Meurisse

 

27. EN  TOUTE  INNOCENCE

Se retrouver dans cette boulangerie familiale

Son chaleureux accueil et ce cadeau imprévu

Après sa course effrénée sur les pavés luisants

L’ont mis dans une humeur de franche allégresse.

Un peu plus, il se serait mis à sautiller sur le trottoir.

Il se demandait d’ailleurs si Emilie l’avait reconnu.

Combien de fois était-il venu ici avec sa mère

Chaque fois qu’une grande occasion se présentait.

Il se souvient de son affection pour cette petite fille

Qui avait le bonheur de grandir dans cet univers

De gâteaux, de pâtisseries et de chocolat.

Le voilà, immobile sous le lampadaire

A savourer religieusement une tranche son butin.

Une rue transversale l’amène au bord du lac.

Les nuages se sont écartés  pour céder la place

Au vagabondage d’une lune dodue et blafarde

Qui voit son reflet onduler dans le clapotis des vagues

Venues s’échouer sur les enrochements.

Julien s’assied. Il a besoin de réfléchir, de faire le point.

De mettre de l’ordre dans ses pensées et ses sentiments.

Cela faisait un moment que sa vie ne le satisfaisait plus.

Il s’était laissé entraîner dans des affaires foireuses

Qui l’avaient éloigné de sa propre vision des choses.

Il s’en voulait de n’avoir pas su se montrer plus perspicace.

Voilà pourquoi il est revenu en ce jour de la St Nicolas

Chercher dans son enfance des réponses à son désarroi.

Ici, rien de grave ne peut lui arriver.

Il se sent protégé de tous les tourments du monde.

La compagnie de ce biscôme lui apporte une suprême félicité.

Il évoque le temps béni où toute la famille se trouvait réunie

Pour faire honneur à la bonté de cet être venu du ciel

Qui dispensait sa générosité et son aide à petits et grands

Dans une atmosphère de confiance et de paix

En nous encourageant à voyager dans nos rêves…

 

8 décembre 2019  -  souvenir d’enfance (2)

 

26. UN JOUR COMME UN AUTRE 

Il s’est hâté d’y arriver avant qu’il ne soit trop tard.

La vendeuse était déjà en train de passer la serpillière.

Il ne lui a pas fallu longtemps pour faire son choix.

Il en restait un seul, sagement posé sur le comptoir.

Il n’a eu qu’à pointer le doigt vers ce biscôme mat

Orné de l’image naïve d’un Saint Nicolas goguenard.

 « C’est le dernier, je vous le donne, il vous attendait ! »

La boulangère affiche un sourire radieux.

Elle est heureuse de ce concours de circonstances

Qui lui a offert la chance de cette bonne action

Avant de fermer boutique et de tourner la clef.

Intriguée, elle observe ce visiteur de la dernière minute

S’éloigner sur l’étroit trottoir devenu désert.

Le soin avec lequel il plie le petit sachet blanc

Pour le confier religieusement à sa poche l’amuse.

Ce n’est pas là le comportement d’un client ordinaire

Plutôt pressé de se débarrasser d’un papier vite froissé.

Elle le voit maintenant, arrêté sous un lampadaire

Inciser méticuleusement la tranche du biscuit

Avec une lame de couteau tiré de son manteau.

Cette minutie dans les gestes et le soin apporté aux détails

La touchent plus qu’elle n’ose le reconnaître chez cet inconnu.

Qu’est-ce donc qui l’a amené vers elle juste avant la fermeture?

Connaissait-il seulement l’existence de sa boulangerie artisanale ?

Elle est maintenant persuadée d’avoir vécu un moment de grâce.

Elle se réjouit de sa joie à savourer son pain d’épices

De ce cadeau qui semble avoir pour lui tant de valeur

Peut-être un souvenir d’enfance qu’il tenait à  faire revivre

Une forme de connivence, d’intimité avec soi

Les retrouvailles avec un être cher

Un vœu à exaucer…ou simplement la nostalgie du temps

Qui passe à travers les saisons…

 (à suivre)

 

7 décembre 2019  -  souvenir d’enfance (1)

 

25. NE REVIENS JAMAIS SUR TES PAS 

Tu as marché longtemps, droit devant toi,

Jusqu’à ce que le silence et la Nuit viennent t’envelopper.

Enfin, tu t’es senti en sécurité.

La grande Paix est entrée en toi.

Tu t’es dit dans ton cœur d’enfant : « cela doit être cela

 De se retrouver baigné dans la Lumière de Dieu ».

Puis il y a eu cet accident, où tu as failli y rester.

Pendant l’opération, tu entendais leurs voix,

Brèves, cassantes, inquiètes, alors que toi

Tu avais juste cette clarté en toi.

Tu te rappelles de leurs visages lorsque tu as ouvert les yeux.

Tu as vu, gravés sur eux, dans la même fulgurance la peur et la joie.

Tu ne te doutais pas que ces deux-là puissent être si proches

Et parler ensembles de la même voix.

Tu croyais ce que l’on t’avait appris, d’être poli, de dire bonjour,

De sourire, de montrer un visage plaisant devant la vie.

Mais voilà que la première chose que tu as vue, en te réveillant,

C’est ce partage de ces deux extrêmes, cette ressemblance

Là où tu pensais qu’était la séparation.

Du coup, tu n’en voulais plus de ces limites, de ces frontières,

De ces barbelés, de cette dualité que les hommes érigent

Dans leurs pensées, leurs sentiments et leurs propos.

J’ai passé ma Vie à leur montrer qu’ils avaient tort de douter

Quand des choses terribles s’abattaient sur eux

Et que douleur et souffrance venaient leur tenir compagnie.

Dieu a créé la Bienveillance, cette colle qui pardonne

Et réunit tout, même ce qui a été cassé en mille morceaux.

Il m’a dit : «  Puisque tu sais que tout n’est qu’unité

Que tout ne procède que du même, va leur expliquer.

Essaie de leur faire comprendre.

Recommence avec cela tous les jours et n’abandonne jamais ! »

« Dis-leur qu’il est inutile de fuir loin de soi ; que le destin,

De toute façon, finit toujours par nous rattraper ».

« Dis-leur que leur Peur est mauvaise conseillère,

Qu’elle n’a jamais conduit nulle part, et que de toute manière

Elle ne connaît pas la Réponse. »

6 décembre 2019  -  une maman à son enfant pour la St Nicolas

 

24. DE TOUTE EVIDENCE 

Elle sonne le succès à pleine charge

La luisante boule ajustée dans son tir

Qui après un parcours rectiligne sans faute

Vient de faire chuter les dix quilles avec fracas.

Ce but surprise marqué à la dernière minute

Ce vote inattendu auquel personne ne s’attendait

Cette épreuve de haut-vol emportée sans coup férir

Tous prétextes à crier victoire haut et fort.

Est-il bien sensé pour autant de vouloir gagner à tout prix ?

De marquer des points en dominant ses adversaires ?

De manifester un triomphalisme à tout crin ?

Davantage de modestie ne serait-elle pas requise ?

Ici, tout est calme. Les rares visiteurs sont sortis.

Leurs pas ont longuement résonné sur les dalles froides

Mais maintenant, c’est le grand silence.

Ô insigne privilège des châteaux  et des cathédrales…

Mon regard, fasciné par la dimension de l’espace

Est venu glisser des voûtes vers le grand vitrail.

C’est une Rosace alchimique à douze pans.

Chacun de ces fragments de couleur donne naissance

Dans son lumineux sillage à une particule de vie.

Je cherche tout ce que l’artiste a voulu y représenter.

Je me demande par où il a commencé ; s’il avait une esquisse

Où s’il s’est laissé guider par sa seule Inspiration.

D’où lui venait-elle alors ? En droite ligne de son Maître ?

Chaque fois que sa main se posait sur les éclats de verre,

L’œuvre prenait forme en l’invitant à se jeter dans la mêlée

A ne pas se laisser désarçonner par l’infini des possibilités.

Il n’y a rien eu à affronter. Nulle crainte ni jugement.

Seulement accepter cette  confrontation constante

A sa propre et légitime transmutation.

Ici, tout s’est constamment trouvé en parfait équilibre.

A chaque instant, ces bâtisseurs ont dirigé l’acte créateur

Vers l’éternel, en laissant la vie choisir pour eux.

Acceptant par là-même la grandeur irréductible de leur destin.

 

5 décembre 2019   avec Laurus nobilis

 

 

 

23. LA PART DU RÊVE 

Voilà donc notre Homme véritable réellement inclus en ce Monde.

Le voilà simultanément présent à Dieu, à la jonction de l’ici-bas

Et de l’au-delà, dans l’Ici-même, dévolu à sa propre Cause

Confronté de son plein gré à la conformité de son Essence.

Fondé de la sorte, il se voit soumis à un perpétuel approfondissement

Auquel le destine un devenir constellé de métamorphoses.

Dans cette succession de petites échéances lui vient cette question :

« Comment se forme mon ressenti à partir de l'Emerveillement ?

« Qu'est-ce qui va déclencher dans mon âme sa motivation

Pour ce que je suis en train de vivre ou de réaliser ? »

Et comment se fait-il que d'un seul coup, l'Image se colore ?

Si je me trouve vraiment au moment exact où cela se passe

Au moment où la fleur éclot, au moment où elle est butinée,

Au moment où l'Hirondelle vient retrouver son nid de l'an passé...

Me voilà complice, partenaire de cette Intensité céleste qui se meut

Qui fait tourner la roue, circuler la vie, et dont je prends exemple

Pour mettre à disposition les ressources de ma créativité.

Pensons à l'Osier, aux rameaux flexibles du Saule, tressés en panier.

C'est assez étonnant de voir que l'Homme a tiré parti des gestes

De la Nature pour effectuer les siens propres d’où résultent ses œuvres.

L'Homme a su qu’elle avait inscrit ses ‘modèles’ dans sa psyché

En lui permettant de s'identifier, d’offrir la ‘traçabilité’ à son travail

Puisqu’il tire son Inspiration de la multiplicité des formes

Qui sont nées et ont persisté depuis des millions d'années.

Il va s’efforcer de les conjuguer et de leur donner la portée artistique

À laquelle ses références souhaitaient  elles-mêmes se dédier...

Il trouve en lui le plaisir et la capacité de devenir ‘co-créateur’

D’honorer la dévotion de l'âme à se révéler à nos aspirations

Dans cette émotion intacte et pure de l’Aurore…

 

4 décembre 2019                            A Marc Chagall

 

22. D’UN MONDE A L’AUTRE

Il règne ce soir une douce atmosphère de succulence

Qui me relie de subtile façon au droit à l’existence.

Un état de joie pure, une forme de jubilation intérieure

À laquelle rien ne viendrait à manquer.

Comme si j’étais devenu mon propre interlocuteur

Communiquant par mon inspiration avec mon essence

À une forme de mémoire victorieuse d’un ‘état premier’

Une matrice divine dans laquelle je me trouverais immergé

Dans l’invitation à devenir le collaborateur du monde divin

Avec, à la clef, cette émergence d’une conscience de soi.

Si je me réfère à ce que je sais, à ce que j’ai appris,

Je ne puis trouver de clef, d’explication à l’univers,

Et il vient forcément un moment où je bute.

Alors qu’en découvrant cette certitude par laquelle

Tout repose en soi, dans la communion avec le Céleste

Je me sens devenir à la fois le témoin conscient

De ce qui vit en moi et de la similitude

De ce qui se passe dans les mondes.

Et je me dis que c’est là réside sans doute

Tout le mystère de la présence à soi.

Je suis’, dans la mesure où je produis des actes

Dans la mesure où mes yeux s’ouvrent à l’évidence.

Où je deviens capable de relier à ce que je vois

L’Idée fondatrice de ce que je vois.

Et quand s’opère la Jonction entre la perception et l’idée,

C’est alors que je deviens moi-même, que je suis Moi.

A ce moment-là  ‘JE SUIS’  et la vérité me transcende !

3 décembre 2019   A ‘L’étranger’, avec Albert Camus

 

21. AVANT QU’ELLE NE NOUS TIRE SA RÉVÉRENCE

Je voulais être déjà là, le premier arrivé, à t’attendre

Avant que tu ne viennes à ton tour à notre rendez-vous.

Rester immobile, les yeux clos, pour garder l’effet de surprise

Jusqu’au dernier moment dans l’errance fugitive

Du temps vagabond.

Il y aurait ce petit mouvement dans l’air, un moindre souffle

Et le bruissement des feuilles, marquant la cadence de ton pas.

J’imagine la grâce du papillon qui, sur le ton de la confidentialité

Se pose dans la flamme assoupie d’une fleur sans ne rien troubler

Tandis que ses ocelles captent la fine poudre de l’univers.

Avec cette invitation pour nous à évoluer dans cette même légèreté.

Tout en s’offrant cette chance inespérée de voir bouger les choses.

Je revois la petite fille en rose sur le bord du trottoir

Qui me faisait un petit signe de la main pour être certaine

Que je m’arrêterais.

Arrivée saine et sauve sur l’autre rive, elle s’est mise à gambader

Dans cette joie enfantine à qui le monde tout entier appartient.

Apporter une nouvelle compréhension à la frénésie ne va pas de soi.

Rappelons-nous seulement que la plus concernée reste la Terre.

Sans son accord, rien de complet, de significatif, de constructif,

De durable, de fraternel ne peut prendre sens.

L’heure est décisive. C’est le dernier moment pour agir

Avant que la Vie ne nous tire sa révérence.

Il est temps de revenir à l’UNITE.

Je sais maintenant où je dois aller.

 

2 décembre 2019   en partageant une orange

 

20. DE  CIME  EN  ABÎME

D’ombre et de vent, l’abîme s’ouvre, béant

Sous les pas du voyageur, échoué sur la rive des mondes.

Le voilà jeté en pâture à la vélocité des éléments

Fronde invisible, univers tressaillant qu’il ne se maîtrise plus

Et qui vient le fracturer dans la plénitude de sa quête.

Nul point de repère auquel confier sa pupille.

Plutôt une brèche perfide, venue s’insinuer

Dans le mouvement naturel des événements.

Voilà sa vie mise en jeu, cernée de sa propre incertitude.

Il suffirait pourtant que le sublime vienne éclairer

Le souffle vertigineux des paroles,

Le chant d’une voix qui écoute sans se faire prier

En faisant revenir à elle la griserie tapie dans le noir.

La suivre encore dans sa course éperdue

Que rien n’arrêterait, sinon le néant.

Il voudrait bien, à présent, renverser les forces

Jeter son dévolu sur cet absolu qui lui échappe

En virevoltant sa ritournelle dans ses folles pensées.

Il se demande si le temps lui suffira pour apaiser

La fiévreuse ardeur de ses victoires et conquêtes

Et offrir enfin la gratitude tant souhaitée

À toute cette beauté.

 « Je revois la ville en fête et en délire

Suffoquant sous le soleil et sous la joie

Et j’entends dans la musique les cris, les rires

Qui éclatent et rebondissent autour de moi

Et perdue parmi ces gens qui me bousculent

Étourdie, désemparée, je reste là

Quand soudain, je me retourne, il se recule

Et la foule vient se jeter dans mes bras. »

 

 

1er décembre 2019   à Edith Piaf, perdue/retrouvée dans ‘la Foule’ 

 

 

19. A CHACUN SES BONNES RAISONS

Je suis là, tel que vous me découvrez en solitaire

Après la rude ascension qui vous a menés jusqu’à moi.

Je m’accroche au rocher, me glisse dans les fentes,

Les fissures et les recoins où je trouve un peu de vie.

Je sais me contenter de peu, rester modeste ;

Recueillir de chaque atout ses faveurs et privilèges.

C’est que, de là où j’observe le monde,

Combien de choses qui vous paraissent si importantes,

Sont, à cette échelle, devenues bien futiles.

Je ne dénigre pas ce que mes sœurs font dans la plaine

Pur assurer le bien-être des animaux et des hommes.

Loin de moi l’idée de porter un jugement péremptoire

Sur ce qui anime les motivations et agissements d’autrui.

Chacun a ses bonnes raisons pour défendre sa position.

Si je suis venu me retirer dans ces sauvages contrées

Loin des bruits, des agitations et des vanités

C’est bien que silence et recueillement ont ma préférence.

La nuit, quand le firmament scintille dans toute sa pureté

Mon vertigineux destin s’inspire et s’illumine.

Patiemment je déchiffre les messages qui me viennent

Et compose avec eux l’Harmonie céleste.

Le souffle de la montagne tisse mon habit de lumière

Et lorsqu’aux premières lueurs de l’aube

Les rayons incidents du jour naissant

Effleurent ma blancheur cotonneuse

Je retrouve, imbibés dans mes soyeux feutrages

Le précieux souvenir des rosées de Lune.

Ainsi m’appelle-t-on l’Etoile d’argent au cœur d’or !

 

 

28 novembre 2019  - parole d’Edelweiss

 

18. LE MONDE DANS LES YEUX

De là où je suis, dominant la plaine

Je vois le crépuscule s’insérer dans le paysage

Et venir l’effacer, dans les mouvances de l’obscurité.

Les nuits déjà froides, savent l’effet qu’elles ont sur nous

Dans les prés, l’herbe n’a plus sa raison d’être

Résignée à perdre sa parure jusqu’au prochain printemps.

La terre elle-même ne retient plus sa chaleur

Comme si là aussi, tout s’était joué.

Reste peut-être à mesurer la grande ampleur des cycles

Entre naissance et mort, éphémère et pérennité

Dans une dimension du Temps propre à chacun de nous.

Le compte des secondes, des minutes, des heures,

Des jours, des mois, des années, jusqu’à la fin.

Se rapprocher du moment ultime

C’est nourrir ce désir d’intensité.

Qu’il soit palpable dans sa noble grandeur,

Qu’il témoigne en son nom de l’expression du sacré.

La conscience que nous donnons aux accomplissements

Afin que rien d’essentiel ne s’en échappe

Additionne comme les perles d’un collier

La valeur de tous ces instants pour ce qu’ils sont.

Ils sauront se révéler à notre esprit

Pour nous transporter dans l’autre monde

Et continuer à nourrir la beauté, la bonté, la vérité

Afin que chaque chose puisse se décliner au moment voulu.

Au moment où elle n’a plus aucune hésitation.

Qu’elle est là, dans son expression la plus favorable,

La plus complète, la plus exhaustive.

Le silence est de cette partie, il ne dit rien mais il pense à tout.

Il va au-delà des obstacles, au-delà des préjugés, des doutes,

Des renoncements et des ferveurs.

Il est simplement présence.

En ton nom, nous avons promis de continuer ton œuvre,

De terre, d’humilité, de vaillance et de franchise.

Va en paix, tu as su saisir ta chance en te restant fidèle

Et tu laisses quelques belles étoiles ici

En allant rejoindre les tiennes.

 

27 novembre    à la croisée des chemins

   

 

17. TENDRE  PARTAGE

Avoir depuis sa plus lumineuse enfance

Laissé venir en soi ce flot d’amour montant

Qui, gonflant la fière poitrine, offre au nourrisson

La virginale candeur d’un sein délicat

Peau nue veinée de bleu, docilement agrippée

Silencieux privilège d’un tendre abandon.

En allant puiser au fond de mes souvenirs

Je ne crains point de rendre pauvre ma mémoire

Puisque chaque jour nouveau me retrouve sereine

Ayant oublié ce qui gracieusement se perd

Devant la joyeuse annonce de ce meilleur de la vie.

Bercée par la cadence rassurante de son sommeil

Je me laisse glisser à mon tour dans le monde des anges.

Comme est douce la sollicitation de mon cœur

D’accueillir le charme vagabond de ces rêves

Qui font tressaillir nos âmes épanouies.

Où, affranchie, légère de tout bagage,

Je marche dans la poussière dorée du chemin

Avec pour seul propos le ciel à guider mes pas

Jusqu’à cet endroit qui attende sur moi.

Car aujourd’hui, l’espace qui m’accueille

Est de ceux qui se jouent des frontières

M’accordant dans ses horizons infinis

La fabuleuse chance d’un devenir heureux.

Ce temps qui pour chacun s’écoule vers l’avenir

Nul doute que le destin de long en large

Sache déjà y renouveler sa sensuelle promesse

En gardant intact ce qui, de toute l’évidence

Peut suffire à l’émerveillement !

 

 

26 novembre 2019  avec Gustav Klimt

 

 

16. L’OFFRANDE

Il remplit le bol de feuilles de l’arbre fraîchement coupé.

II gratte une allumette, observe la flamme et,

À genoux devant le tronc scié

Enflamme, à l’aide d’un charbon, le contenu de la vasque.

Abattre un arbre, comme je l’imagine

Un animal,  ne va jamais de gaieté de cœur.

Je ne dirais donc pas ce qui m’a conduit à le faire.

Tu étais vieux, fendu par la foudre

Dans un espace qui ne convenait plus,

Alors je m’y suis résolu.

Mais promis, je vais faire quelque chose de ton bois.

Je vais sculpter ton intention dans la pérennité.

Je vais trouver une solution à ce désastre.

Je vais reconnaître  en chacun de mes actes,

La part qui, dorénavant,  se grève dans l’Eternité.

J’affirmerai que ton labeur n’a pas été inutile.

Je brûle maintenant ta sciure, tes copeaux

Une purification par le feu.

La nuit va tomber, il reste ton empreinte lisse,

Déjà une table.

Je n’oublierai pas ta place.

Elle sera inscrite dans ma mémoire,

En ton nom.

Je te dis merci maintenant,

D’avoir réalisé ton œuvre dans cette confiance,

D’être venu à moi sans peur ni prudence

Et de m’avoir permis de m’échapper de ma vie.

La fumée retourne à sa source

Elle se dirige vers l’Est,

Vers  l’aube nouvelle.

 

 

25 novembre 2019  à Jérémie, à son dernier arbre

 

15. LEVER DE RIDEAU

Trois coups frappés à même le plancher, dans cette demi-obscurité.

Il y a eu ce silence intégral qui précède tout commencement.

Décor d’intérieur sobre. Un escalier, une chaise, une table, un coffre.

La pierre, les ampoules nues au plafond donnent à l’ensemble un air rétro.

C’est ici que va se jouer le spectacle de notre propre vie.

On ne l’a pas remarquée tout de suite, recroquevillée, là, dans le coin.

Les genoux ramenés sous elle, la tête inclinée, elle attend

Comme nous tous, réunis ici, que les choses se mettent à  bouger.

Elle croit à sa délivrance, elle se fie à sa bonne étoile

Aux encouragements qu’on lui a prodigués après la répétition.

Elle est soulagée de n’être plus plongée dans le noir, à cause de la panne

Que le rideau se soit enfin levé et que cette odeur âcre ait disparu.

Elle ne voit pas le public, ‘fais comme s’il n’existait pas !’

Elle se raccroche à cette injonction, comme à un cordon ombilical

Un mince filin qui la retiendrait de ce vide qui s’ouvre sous ses pieds.

Une fois de plus, elle va se donner à fond à son rôle, crier sa douleur

Montrer à tous ces inconnus la souffrance qui lui déchire le cœur.

Son frère sera fait prisonnier et disparaîtra à jamais, sous les tortures.

On lui a bien martelé d’entrer dans son personnage ‘pour de vrai’.

Ces derniers mots la dérangent ; cet être cher, elle l’a réellement perdu.

Les acteurs sont maintenant entrés, un à un, et se donnent la réplique.

Dans quelques instants, ce sera à elle de se lever, de livrer son corps.

Mais, ce soir, un curieux sentiment l’habite qui a pris forme dans son ventre.

Elle a envie de partir, s’enfuir loin d’ici, quitter la comédie.

Elle va parler doucement, presque un murmure, dire des choses tendres.

Rien de terrifiant, ni de bruyant qui puisse faire peur, ou évoquer la mort.

Elle aimerait juste ouvrir l’espace, insuffler un nouvel espoir dans nos vies.

Effleurer encore une fois du bout des doigts sa peau tiède et frémissante.

« Il suffit d’avancer pour vivre,

D’aller droit devant soi

Vers tout ce que l’on aime.

Devant soi la route est légère

Et s’ouvre sur tous les rivages

Derrière il n’y a que des chaînes

La caresse est comme une rose

Qui renforce la nacre d’un midi très chaud.

Présence à tout jamais

 Rien ne se fait amour qui ne soit d’avenir.*

* Paul Eluard

 

 

24 novembre 2019,  dans les rues de Santiago

 

 

14. Y AURAIT-IL UN PEPIN?

« Tu ne sais jamais à l’avance ce que la vie peut te réserver »

Voici l’argument irréfutable qui m’était avancé pour ‘m’inviter’ à manger ma pomme

Jusqu’à la dernière morce, excepté la queue et les pépins.

Pour échapper à cette fâcheuse sentence, j’avais mis au point plusieurs stratagèmes,

Dont l’un consistait, en promenade, à ralentir le pas, faire mine de relacer un soulier

Puis en profiter pour jeter discrètement le trognon de la discorde dans le bas-côté.

Las, la supercherie eut tôt fait d’être découverte, et, dûment questionné,

Ne sachant mentir sans rougir, me voilà recherchant l’objet du délit,

Le porter religieusement jusqu’à la prochaine fontaine, pour, une fois propre

En mastiquer consciencieusement la chair sous le regard vigilant d’une maman attentionnée.

Avec le recul, force m’est de reconnaître que cette méthode éducative porta ses fruits (!)

Puisqu’aujourd’hui encore je croque la pomme en entier tout en m’offusquant en silence

De celui ou celle qui, en ma présence n’adopterait pas la même conduite…

Et, je reste plein de nostalgie pour ce temps passé dans de bucoliques campagnes

Où l’eau de limpides fontaines se buvait joyeusement sans aucun interdit,

Où les routes en terre véhiculaient des carrioles laissant derrière elles d’odorants crottins

Trésors inestimables aussitôt ramassés par d’humbles gens pour en nourrir leur potager.

Alors, ô toi Pépin, qui instaure dans mon palais la saveur coupable de l’acide prussique

Toi qui a su faire remonter cette anecdote désuète du fond de ma mémoire

J’aimerais t’exprimer ici ma reconnaissance d’être encore là, dans ta belle robe brune

Pour me rappeler ces moments de subtile connivence…

Je vais assurément te donner une nouvelle vie en t’offrant asile dans quelque terreau fertile

Afin que notre descendance, qui sait, puisse un jour, en croquant ta pelure se retrouver

Dans l’innocence magique de la joie enfantine…

 

22 novembre 2019, en l’honneur d’Isabelle et Jacques

 

 

 

13. ETRE

Cela faisait un moment que la futaie s’était refermée sur moi.

Les denses fourrés laissaient à peine passage à une sente précaire

Réduite parfois à une étroite bordure entre ornières et vasières.

La pénombre grandissante me fit bientôt perdre toute notion du temps.

Je fus d’autant plus étonné de déboucher sur une clairière circulaire

Que rien ne laissait présager en ces lieux perdus.

L’herbe y était verdoyante, sans aucun arbuste pour troubler la vue.

Au centre trônait un Hêtre majestueux dressant sa ramure vers le ciel.

Dans ce qui restait de jour, je fus stupéfait de découvrir, adossée au tronc

Une silhouette humaine qui me fixait intensément du regard.

Je restai interdit, cloué sur place, incapable d’aucun mouvement.

Ce face à face irréel me sembla durer une éternité, sans que rien ne se passe.

Puis l’homme, se penchant légèrement, accrocha son sac, empoigna son bâton

Et s’avança d’un pas tranquille droit dans ma direction.

Vêtu de cuir, ses habits étaient râpés, élimés, faits pour résister aux intempéries

Traits burinés, barbe bien fournie, il tenait tout du braconnier ou du baroudeur.

Parvenu à ma hauteur, il se planta devant moi, avança une main cordiale

Et prononça ces simples mots : « lâche tes peurs ! ».

J’avais encore bien trop de choses dans la tête pour réagir

Tout en restant fasciné par la bienveillance de ses paroles.

Devant mon silence, il répéta simplement, d’une voix encore plus douce :

« Lâche tes peurs ; lâche tout !».

Aussitôt, un grand poids est tombé de mes épaules et j’ai recommencé à respirer.

Il ne faisait pour moi plus aucun doute que nos destinées s’étaient croisées ici.

Je n’allais pas tarder à l’apprendre, en allant de surprise en surprise.

En réalité, cette rencontre avait eu lieu plus de cinq cents ans auparavant !

La bataille avait fait rage alentours, les blessés agonisaient en nombre

Et nous étions parvenus à nous réfugier dans cette forêt.

Bien qu’ennemis, nous avions été recueillis et soignés par des habitants

Puis étions retournés chacun dans notre pays.

Je fus étonné de la précision de ces souvenirs remontant d’un si lointain passé

De la perception de sa propre existence et de tout ce qui l’entoure.

Depuis, la mémoire et la communication entre les arbres sont devenues pour moi

A la fois une incontournable réalité et un apprentissage de tous les jours.

L’enseignement de ces grands maîtres, inscrits dans la solidarité

Nous invite constamment à reconnaître la valeur et la portée de nos choix.

Comme s’ils nous engageaient à ne vivre plus qu’à partir de la seule confiance

Sans aucune sécurité quant à l’avenir de notre existence,

Puisque ce qui doit advenir advient, seule un peu de sérénité est nécessaire

Pour nous retrouver en accord avec nous-mêmes.

 

21 novembre 2019

 

12. EVEILLE-TOI A TA CONSCIENCE

A peine franchie la grille du château,

Me voilà plongé  dans un monde fastueux !

En maître des lieux, je déambule dans les parterres

Et les platebandes, sans que rien n’entrave mon pas.

Tout ici inspire la quiétude et la sérénité.

Et si l’exception confine à la règle, je veux bien m’égarer ici !

Me nourrir d’éloges, célébrer la création de toutes mes forces

En me réjouissant de témoigner de vos discrètes présences.

Vous qui avez lu dans les profondeurs de mes pensées,

La part de mystère qui en voilait la compréhension.

Sages de tous les temps, unissez-vous dans ma mémoire !

Réjouissez-vous de ce que vos lucides paroles aient survécu

Intactes, inaltérées, aux outrages du temps.

Que vos prophéties aient su se transmettre à travers les cultures

Sans ne rien perdre ni de leur véracité ni de leur profondeur.

Vous vous êtes demandé comment départager le mensonge de la vérité

Pourquoi les choses sont si compliquées et manquent de limpidité 

A quoi est dû ce grand désordre qui empêche la lumière de passer.

Vous êtes allés au bout de vos convictions

Pour que chacun puisse s’affranchir de sa confusion,

Et trouver ce qu’il cherche à l’intérieur de lui.

Tant il est vrai que découvrir, s’imprégner, rendre vivant

Ce qui confère à l’Homme sa dignité, sa noblesse et sa volonté

Le préserve de l’humiliation en le renforçant dans sa propre chair !

En dirigeant ta conscience vers ton Identité, en t’éveillant à elle

Dans l’impulsion foncière qui promeut ton Être à son existence

Tu sauras de celui-ci non seulement connaître son origine,

Mais aussi ce qui t’a dépêché du monde spirituel vers cette Terre.

Honneur à la justice, à la prime intelligence, à la solidarité

Qui ont choisi de se manifester à travers toi !

  

20 novembre 2019 – Parole de Romarin

   

11. UN MONDE A CRÉER

Je suis là, tel que tu me vois dans la force de mon dépouillement.

Ma silhouette prospère s’est organisée dans une variété imprévisible

D’embranchements qui enlacent l’espace sans jamais le dominer.

Ensembles, dans un élan commun, nous échangeons nos confidences.

Si mon noble maintien, ma vigueur et ma majesté t’impressionnent,

Que la générosité de la Nature devient palpable à ton cœur

C’est que ma présence t’offre les réponses à ta droiture

Et que tu reconnais en moi tout ce qui t’a fait grandir.

En passant ta main sur ma rugueuse écorce,

Tu reconnaîtras le contour des œuvres que tu as menées à bien

Celles qui t’ont fait croire à la grande aventure de la vie

Et aussi celles inachevées venues s’échouer dans des rêves lointains.

Tu y découvres le résultat de ton engagement, de tes efforts,

De ta persévérance et de ta détermination

Dans la pratique de ce métier qui a fait corps avec toi

Sans jamais te faire perdre courage ni baisser les bras.

Garde dans ton existence cette attitude rigoureuse et ferme

Car même au bout du monde, c’est toujours toi que tu rencontres.

Ne cherches donc plus à l’extérieur, dans de vains combats

Ce qui s’est perdu à l’intérieur de toi.

J’étais à tes côtés pour te guider dans tes choix

Quand ce sentiment de timidité infiltrait tes sens

Que la peur et les doute paralysaient tes actions

Que les reproches t’empêchaient de prendre les bonnes décisions.

Et maintenant que tu as su mettre à profit ton expérience

Avec toute la sagesse intégrée à tes actes

En acceptant que ce monde naissant a besoin de conseils et d’exemples

Tu te sentiras libre de ton bilan au moment de rendre les comptes.

Tout cela, je l’ai gardé dans ma grande mémoire pour témoigner en ta faveur

Auprès de ceux qui t’ont précédé et aussi de ceux qui viendront après toi.

Car saches que l’estime de toi et de l’univers ne peuvent se construire

Qu’à travers la valeur que tu sais donner à ta propre histoire de vie.

 

 

19 novembre 2019 - pour mon maître et ami Chêne

  

   

10. SANS QUE RIEN NE VOUS Y OBLIGE

Je suis parti à l’aurore, par un ciel pur et régénéré.

En marchant par monts et vaux, je reste fasciné

Par tous ces êtres qui ont passé la nuit dehors

Et qui se remettent à l’œuvre, sans aucune consigne

Avec pour seul guide la clarté du jour et ses senteurs

Et leur instinct dont nous ne savons rien

Sinon qu’il relève du plus épais des mystères

Ou de la plus pure des gratitudes.

Je me demande ce qui me relie à eux

À partir de ce qu’ils vivent, ressentent  et proposent

Cherchant par tous les moyens à combler ce vide

En aiguisant nos sentiments de nostalgie

Dans le sillage des souvenirs de temps heureux.

Quand je vois les esprits en quête de paix et de repos

Qui s’animent, se meuvent et se transforment

Sans que rien ne les oblige ni à dominer ni à plaire.

Quand parmi les humains distraits ou soucieux

L’un d’eux vient se présenter à la parole

Avec dans sa voix les accents sincères

D’un amour partagé

L’univers tout entier s’offre à nos aspirations,

Éclaire notre expérience, brille de toute sa signification

La manifestation visuelle de sa permanence,

Dans la troublante émergence de sa beauté.

Vous tous, à qui a été confié ce monde jusqu’aux nues,

Dans le merveilleux espoir de votre présence

C’est un bonheur de vous avoir à nos côtés !

 

18 novembre 2019  - L’Eloge du Papillon

 

   

9. L'ENCHANTEMENT DE T'ECOUTER

Il fait nuit noire. Un ciel d’encre.

Je suis sorti la rejoindre sans même m’habiller.

Le froid me glace. Je ne vois rien, je grelotte.

Mais c’est elle que je suis venu retrouver

Respirer l’air glacé. Remplir mes poumons

De cette immensité du ciel

C’est ce que je suis venu chercher ici.

Alors j’obéis à sa loi, je fais corps avec elle

Je me sais lui être redevable pour ce qu’elle m’inspire.

Pour la cause de la vie qui m’a été insufflée.

La pellicule de neige qui crisse sous mon pas

Me rappelle à moi, me rapproche de moi

Me fait battre ce cœur qui se réclame à son rythme

De ma présence.

Je vois tellement de choses curieuses

J’ai des visites nombreuses qui s’installent à mon chevet

En sursautant à chacun de mes mouvements.

Mais je sais que l’intuition est là,

Qu’elle a choisi ce lieu pour me trouver.

Et dans ce calme, c’est moi que je rencontre en premier.

C’est bien ce qu’elle voulait.

Faire disparaître tous les repères

Tout ce qui pouvait m’accrocher au familier,

À une aide quelconque, un réconfort

À un sourire même, ou une petite douceur.

Mais là, je n’ai droit à rien.

Uniquement à cette substance qui a forgé mon être,

Mon passé, mon devenir, cette peur d’être laissé pour compte

Sans que personne ne m’ait compris.

L’Eloge du sacré est vissé à ma chair

Il devait être de cette nature-là, le froid,

Sur les dalles des cloîtres.

Je tiendrai jusqu’à l’amorce du jour

Puis je me laisserai guider encore plus près d’elle,

J’entrerai sur la pointe des pieds, elle dormira encore.

Il me reste à compléter ce monde imaginaire qui m’a enfanté

Et dans lequel j’ai  trouvé la Grâce

Et tout sera bien !

 

17 novembre 2019, à Bernard de Clairvaux

 

 

 

8. DANS LE FEU DE L'ACTION

« Ne fais pas ça ! »

Sa voix, puissante, m’a tiré de ma léthargie.

Je me suis retourné. Il avançait à grands pas vers moi.

Sans reprendre son souffle, il poursuivit, d’une seule traite,

Comme pour exhorter dans la sève des mots

Leur pouvoir de prophétie:

« Tu lui diras que c'est fini, que ta souffrance est terminée

Que chacun de votre côté avez fait votre part du chemin

Et que là où vous vous êtes à nouveau rencontrés

Chacun a pu aller au bout de ce qu'il était possible de vivre.

C’était une illusion de penser que tu étais seul.

En réalité vous êtes ensemble, unis dans votre quête

À être arrivés aux frontières de vous-mêmes,

Dans cette partie inconnue de vous,

La plus belle, la plus lumineuse

Celle où la discorde n'existe plus.

Vous vous êtes crus indignes de cette transparence

Avez encore cherché à combattre votre culpabilité

À assumer le désordre de votre conscience

En  vous réfugiant dans vos zones d'ombres et de doute.

Je connais ta sincérité.

Tu as fait part de tes désirs, tes peurs et tes fragilités.

Tu as su mettre en pratique tes rêves et tes idéaux.

En restant fidèle à tes convictions.

Tiens bon ! N’abandonne pas la partie !

Etre parvenu à une Intersection de son Etre,

Une limite que tu n'avais jamais franchie jusqu'ici

A fait remonter ta colère. C’est normal.

Mais vous ne vous êtes pas livré la guerre pour autant.

L’inconnu est l’espoir de la chose impossible

Tu savais bien que l’imagination, quand elle touche le concret

Connait sa fin, et que la réalité est banale

En dehors du plaisir de la faire naître.

Maintenant que je suis revenu auprès de vous

Vous allez retrouver votre paix, attiser la flamme.

Vous êtes prêts à vous rencontrer à nouveau.

A chacun de vous de faire le premier pas.

L’œuvre est patiente ; elle part du cœur, de l’intelligence,

De la sensibilité. Elle est vérité directe, franche, absolue.

C’est à ta volonté de commander à tes faiblesses

Sois la parcelle divine qui recrée et transforme

Qui sème l’émotion dans le cœur du pèlerin de l’âme ! »

15 novembre 2019, en hommage à W-A. Mozart, à  Lucas Debargue

  

   

7. LES MOMENTS HEUREUX DE LA VIE

Ainsi œuvre en nous l’existence

Se retrouver réunis tous ensembles

Dans les lieux qui nous ont choisis

Avec ce qui nous unit et nous dissocie.

En toute liberté, en toute franchise

Nous voilà invités à mettre en valeur

Gracieusement ce qui nous tient à cœur.

Nous nous offrons l’un et l’autre

Une forme intime de bienveillance.

Qui nous côtoie ne se sent pas en danger

Au contraire, il peut prendre place près de nous

Et comprendre un peu mieux ce qu’il vit

Et à quoi contribue les efforts qu’il a engagés

Et où l’ont conduit les choix qu’il s’est donnés.

Ce que nous voulons te proposer aujourd’hui

C’est découvrir en toi ce que tu as de plus précieux

Ce qui te permet d’aller au-delà de tes certitudes

En faisant l’expérience de ta propre condition.

Nous t’invitons tout en douceur à te dépasser

A reconnaître en toute bonne foi ce qui t’unit à ton destin

Et comment se formulent tes pensées.

Tu n’as pas à aller chercher au fin fonds de ta mémoire

Les moments heureux de ta vie

Puisque dans le si tendre silence de ton âme

Se prépare à chaque instant la reconnaissance

De ce qui te relie au vaste Tout !

Parole d’Alchémille des Alpes 14 novembre 2019

 

 

6. SOIS  PRÊT A  T’ELANCER

Les endroits délaissés, pierriers, murs, décombres  sont mes lieux de prédilection.

En toute modestie, ma présence leur redonne vie et confiance en l’existence

En évoquant les possibilités de s’épanouir avec les moyens du bord…

Ensemble nous définissons dans le jeu des proportions et des harmonies

La part essentielle de liberté de chacun.

Je défends ma foi en la matière, reconnaissant en elle l’édifice en devenir

Lorsque ce qui est peine ébauché n’a pas su encore révéler ses talents.

Ma nature exprime une forme de tempérance qui trouve son équilibre

Entre le souffle du chaud et du froid, entre part de rêve et vérité lucide.

Lorsque je lève les yeux au ciel, ce n’est jamais pour invoquer la fatalité

Mais bien plutôt pour trouver dans l’espace de nouvelles facultés

Qui me permettraient de mieux communiquer avec mon entourage.

Cette habitude m’octroie la capacité de m’adapter à toutes situations

Aussi imprévisibles, improbables et loufoques soient-elles,

Avec une ardeur déconcertante qui stimule la pertinence, le courage et la détermination.

Fidèle ami dans les coups durs, je ne baisse pas les bras devant les échecs et les efforts.

Mon regard bienveillant saisit en un coup d’œil ce qui manque et ce qui chagrine.

Si bien que l’âme meurtrie par les tourments trouve en moi réconfort et apaisement.

Et même si, par modestie je garde le silence, mes pensées n’en sont pas moins chaleureuses.

Aussi clame-je haut et fort : ‘Sois prêt à t’élancer, sans craindre ni le vide, ni l’abîme !

Laisse derrière toi ce qui t’encombre et ralentit ton pas.

Car c’est chaque matin que tu es invité en ton nom à combler les attentes de la beauté !’

 

Parole de Géranium Herbe à Robert, 13 novembre 2019

 

 5. QUE DEMANDER DE PLUS ?

Maintenant que tout est oublié, il te reste cette curieuse nostalgie,

L’allure modeste d’un caractère humble et appliqué.

Tout en faisant confiance à ta bonne étoile

Tu as perdu peu à peu le côté mystique de tes engagements

Dans ce qui a fini par devenir la routine de tous les jours.

Malgré tout, ta volonté est demeurée intacte, mue par cet espoir

D’un lointain paradis accroché à ton enfance

Quand la vie s’écoulait sans horaire ni but précis

Et que rien ne venait troubler le parfum de l’enchantement.

Et maintenant que te voilà face à tes responsabilités

As-tu réellement une meilleure compréhension de toi ?

Su garder la capacité de te soumettre à ce qui te dépasse ?

Conserver ton estime à celui qui t’as montré le chemin ?

Ou cherches-tu encore à effacer ce souvenir trop douloureux…

Dans cette forme nouvelle où tu te trouves

Ta vie deviendra encore plus belle,

Lorsque tu sauras trouver ta récompense

Dans la reconnaissance d’un simple regard,
Dans l’expression du visage de celui que tu as rendu heureux,

Dans le reflet de ses prunelles où  se niche la valeur

De tout ce qui t’as mobilisé.

Ta fidélité rassurante équivaut au plus précieux des trésors.

 

Parole de Bourse-à-pasteur, 12 Novembre 2019

 

4. A  CONTEMPLER  L’ESPOIR

 Saurais-tu proclamer en une seule parole

Ce qui donne à ta vie sa pleine saveur ?

Et offrir à ta pensée une imagination si fertile

Qu’elle serait capable d’ensemencer la terre

De champs fleuris jusqu’aux confins des horizons ?

Saurais-tu te saisir de cette aubaine insensée

Qui te mettrait à portée de mains le ciel étoilé

En considérant ton appartenance à la Terre

Comme la plus noble des faveurs ?

Si je viens à toi pour me relier à tes origines,

Te conduisant de la terre au ciel et du ciel à la terre

Saurais-tu reconnaître les moments où tu étais proche de toi

Et les distinguer de ceux durant lesquels ton égarement

T’a fait perdre ta route et ta foi ?

Si tu viens à moi, je saurai dissiper tes doutes,

Donner un sens à ta quête, libérer ta grandeur d’âme.

Je saurai te faire accepter tes fragilités

Comprendre que personne ne te veut du mal

Ici-bas.

Tu seras toujours le bienvenu auprès de moi.

Car chacune de tes cellules porte en elle la gloire

Du Monde !

Sache t’unir à chaque instant au Projet qui a été conçu pour toi,

Veiller dans ta chair au Plan de réalisation de ton Être

A la constance de cet art qui ne cesse de te purifier.

Sache quitter sans regret ce qui t’abandonne

Afin que ton cœur s’enveloppe d’une joie mesurée

En accordant à ta voix le son calme de la sérénité.

 

Parole de Figuier, St Martin, 11 novembre 2019  

 

3. COMME UN PREMIER MATIN

Tout ce que la Vie nous donne à partager avec elle

Obéit à une Intention, sans laquelle rien ne pourrait avoir lieu.

Dissociés les uns des autres, les événements n'ont aucune signification.

Ils ne sont que fragments d'un ensemble perdu dans la griserie

De son immensité.

 

Mais, me voici, Olivier, symbole de terre promise, de réconciliation,

De confiance retrouvée, de nouvelles espérances …

De pureté et d'alliance dans ce qui définit notre commune volonté

D’accueillir le bien.

Lumineux dans la scintillance du premier matin,

Du jour qui ne connaît pas de déclin,

Ma flamme ne s'éteint jamais, puisqu'alimentée par le feu sacré

De la Pensée divine !

Quand les mots eux-mêmes ne seront plus accessibles à la raison

Une source vive  jaillira des entrailles de la terre

Un foyer chaleureux nous transcrira les mystères

Que nos sens éphémères ne peuvent plus comprendre.

Qu’aurais-je à faire de vous, lorsqu’ ayant goûté à l’amertume

Le temps écoulé vous aura englouti dans vos infortunes ?

J'annoncerai à tous ceux qui seront restés debout

Qu’ils n’auront plus à se perdre dans d’épuisants labeurs

Ni à s’évader dans d’improbables destinées.

Ils pourront demeurer au centre de leur tâche.

Leurs vœux seront exaucés et leurs heures emplies de gratitude

Dans ce qui les relie en permanence aux souvenirs de l’éternité.

Dans le jardin de mes rêves se rencontrent tous ceux

Qui portent avec eux la fraternité de la création.

Ainsi, aussi vieux que je vivrai, depuis le jour de ma naissance

Je resterai dans le cœur de vous tous le témoin d'un héritage céleste

Jusqu’au moment où la nuit bienveillante vous aura restaurés

Dans sa Paix.

 

Bioley-Orjulaz, le 8 novembre 2019 

 

 

2. UNE FRAGILE TRANSPARENCE

Le désir, lui, n’a pas saisi le moment où cela a commencé. Mais à ce stade, l’on ne s’attarde pas trop. Il n’a pas encore été attisé, les mots ne se sont pas encore incrustés dans notre chair.

Savoir que chacun d’eux possède une part de ce qui m’habite me rassure. Les laisser entrer, couler à l’intérieur de moi me lie à leur chaleur, leur conviction, ce pourquoi ils ont été créés.

Ils se donnent toutes les chances en m’apportant l’ardeur que j’aimerais donner à ma propre vie.

Il me suffit de les rendre présents à leur essence, à leur désir de témoigner, et qu’ils n’aient pas à se justifier d’apparaître au grand jour.

Il me suffit de faire naître dans leur substance les réponses que j’attends.

L’important c’est de les laisser faire. Parce qu’eux, ce qu’ils souhaitent, c’est d’aller jusque-là où l’on n’a jamais osé s’aventurer. Qu’ils nous emmènent vers ce que nous avons  toujours refusé de regarder en face, parce que le courage nous a manqué de sortir de l’ordinaire.

Ils aimeraient maintenant ne s’adresser rien qu’à nous dans cette intimité qui leur a été dévolue.

Se sentir liés par ce qui nous a engendrés l’un et l’autre, depuis le tout début, tout à l’origine, dans le Verbe divin, quand rien n’existait encore, seulement l’imperceptible frissonnement de ce qui allait naître.

Avec les mots d’amour, ils prennent leurs précautions. Ils craignent de les enfermer, de les restreindre, de les obliger, de les enchaîner. Alors ils nous emmènent vers l’eau, les rives du lac, la colline d’en face où la vue ne rencontre pas d’obstacle et ils se sentent bien avec nous pour faire nos promesses à l’univers.

La confiance est là, on n’a plus envie de leur échapper comme toute à l’heure, lorsque qu’un souffle d’air a accompagné le battement de la porte.

Il faut les remercier, leur dire comme on tient à eux. Et qu’ils font vibrer tout ce qui vit comme la douce caresse d’une main effleurant la peau.

Que dans leur son ils puissent reconnaître leur valeur et le monde qui les a enfantés.

Et qu’à travers nous, ils se sentent précieux, libres de retourner au grand Tout !

Et quand nous aura nourris ce que nous avons vécu ensemble, nous n’aurons plus à revendiquer notre place dans le monde.

Chacun de nous apportera avec lui sa plénitude.

Et comme ce qui nous séparait nous a permis de mieux nous apprivoiser nous serons ravis de partager notre trésor.

Même si nous ne saurons jamais ce qu’ils ont retenu de nous. Cela restera leur grand Secret !

Aujourd’hui, le miracle a eu lieu, le travail est déjà à l’œuvre et la transformation a commencé à l’approche de cet Inconnu. Dans la pleine conscience de l’Instant, dans les vastes pensées où tout se rejoint…

Dans l’accueil de tout ce que l’on apporte, de tout ce que l’on reçoit. Parce que le tri, le choix de l’essentiel s’est déjà fait. Et c’est maintenant que l’on se sent léger pour avancer. 

Emerveillé par tous ces risques que l’on a pris, dans cette transparence fragile qui laisse passer la lumière !

 

Bioley-Orjulaz, le 7 novembre 2019

 

1. LES  MOTS  QUI  DANSENT DANS LA PLUIE

Les mots sont plein de curiosité, veulent connaître les moindres détails de l’histoire à laquelle ils participent, même si, comme maintenant leur incursion dans cet au-delà les intimide.

Aucune effraction ni intrusion dans leur propos. Devant une porte laissée ouverte, on se sent le droit d’approcher pour voir ce qu’il y a à l’intérieur.

C’est ce qu’ils se sont dit: marcher à pas feutrés, chasser l’inquiétude, faire en sorte de ne rien déranger. Voilà ce qu’ils font.

Au début, c’est encore un peu la pénombre. Le regard n’est pas trop sûr de ce qu’il voit. On devine les contours d’abord, puis les formes et enfin les couleurs, quand la lumière est vraiment entrée dans la pièce. On se demande alors si tout est bien réel, si on n’est pas encore en train de rêver et si c’est bien notre vie qui a accumulé tout cela ici. Tout peut encore changer, jusqu’à la pleine clarté. Alors seulement le doute disparaît, et l’on se sent exister pour de vrai. Être bien vivant !

Souvent, les mots nous trouvent dans une sorte d’hébétude et ils nous laissent dans le vague.

Ou alors, ils nous entraînent dans un lieu précis qui remonte dans nos souvenirs, dans ses moindres détails, jusqu’à l’odeur de la rosée dans le petit matin et de la première abeille qui a fait se pencher la fleur visitée.

Ils nous donnent l’accès, le droit de ressusciter le passé. C’est avec eux qu’on y va.

Il faut juste laisser venir le bon moment pour oser ce face à face. Parfois il faut aussi trouver le ton juste pour ne pas les laisser aller trop loin en avant, nous distancer, franchir des seuils sans nous.

 

Les laisser intervenir dans votre existence n’est pas anodin. Cela ne permet pas de rester à mi-chemin. Cela demande de garder tous ses sens en éveil, dans cette acuité qui va directement au cœur des choses       

(à suivre).

 

Bioley-Orjulaz, le 6 novembre 2019